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1468

La Bibliothèque du Cardinal Béssarion

  Ils vivent, discutent, dialoguent avec nous. Ils nous enseignent, ils nous instruisent, ils nous consolent, ils nous rappellent toutes les choses très anciennes en les plaçant sous les yeux de notre mémoire. Tellement grande est leur force, leur dignité, leur majesté et enfin leur sacralité que s’il n’y avait point de livres, nous serions tous des grossiers et des ignorants sans aucun souvenir du passé, sans aucun exemple sur lequel s’appuyer. Nous n’aurions aucune connaissance des choses humaines et divines. Le même tombeau qui accueille les corps des hommes, effacerait alors pour toujours leurs noms.

Ces mots, le Cardinal Johannès Béssarion les applique à ses précieux livres, qui forment sa Bibliothèque privée.

Il la lègue à la République de Venise, représentée par son Doge, Cristoforo Moro, le 31 mai 1468.

Mais qui est Johannès Béssarion ? Et que lègue-t-il ?

Le Cardinal Béssarion, est d'abord moine puis prêtre orthodoxe, est connu pour sa formation à Constantinople dès 1425 pour ses dons d'orateur ecclésiastique. Il est aussi un fin connaisseur des auteurs grecs anciens et disciple des philosophes platoniciens byzantins du XV° siècle, dont Gémistros Phléton. En 1437, il devient pour peu de temps higoumène (supérieur d'un monastère) puis évêque métropolite de Nicée. À peine intronisé, il est recruté dans l'ambassade orthodoxe grecque au concile de Ferrare et Florence, où le pape Eugène IV propose l'union des Églises d'Orient (c'est-à-dire grecque orthodoxe) et d'Occident (c'est-à-dire latine catholique). Finalement, le projet de réunion des deux Églises échoue mais Béssarion rallie l'Église catholique, dans laquelle il est promu Cardinal.

En 1440, il rejoint définitivement l'Italie. Il est  désigné en 1463 comme Patriarche latin de Constantinople, poste pour l'essentiel honorifique. Pressenti puis écarté deux fois de l'élection pontificale, il sert fidèlement les papes, dont il est souvent légat ou ambassadeur.

 

Parallèlement à son activité religieuse, il accumule des centaines de manuscrits grecs  des auteurs de l'Antiquité (dont Platon, Xénophon, Aristote, Plutarque, Plotin, Hermès Trismégiste, des écrits attribués à Orphée ou à Pythagore et bien d'autres), des pères grecs de l'Église (Denys l'Aéropagite, Ephrem de Syrie etc.) ou des auteurs byzantins (dont le très précieux Psellos) dans leurs textes originels. Il accueille à partir de 1453 de nombreux intellectuels byzantins qui fuient la conquête turque de Byzance : Théodore de Gaza, Georges de Trébizonde, Andronic Kallistos, Michel Apostolios (qui fut longtemps son correspondant et acheteur de manuscrits à Constantinople), Janus Laskaris, Iôannès Argyropoulos... autant de Lettrés qui vont dès lors répandre l'étude du grec classique et des textes grecs à travers l'Italie puis dans toute l'Europe occidentale. Grâce à sa place de Cardinal, il protège également de nombreux intellectuels italiens ou occidentaux (dont l'astronome Peuerbach, l'humaniste Lorenzo Valla). L'on a comparé ce groupe d'intellectuels à une véritable Académie.

Son legs de 1468 laisse à la République de Venise toute sa Bibliothèque : dans l'immédiat, 746 manuscrits (482 grecs et 264 latins), gardant pour un temps 313 manuscrits sur lesquels il travaille. Tous ces textes forment ensemble le fond primitif de la célèbre Bibliotheca Marciana.

Béssarion, physiquement humilié par Louis XI durant son ambassade pour sauver le Cardinal La Balue (le roi lui tire le barbe férocement et lui parle en des termes très vulgaires), meurt sur le chemin de retour vers Rome (à Ravenne)

le 18 novembre 1472.

L'immense activité du Cardinal Béssaron fut, entre autres, de restaurer à grande échelle l'étude de la langue

et des textes grecs dans l'Europe occidentale.

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