542
La "peste de Justinien" à Constantinople
Elle est apparue en 541 à Péluse, en Egypte. S'étendant inexorablement à travers tout l'Orient et toute la Méditerranée, elle atteint Constantinople au printemps 542. La "peste de Justinien" tue jusqu'à 10 000 victimes par jour dans la capitale, nous rapportent les contemporains. Le mal se propage sans obstacle à l'ensemble des empires sassanide et byzantin, au delà dans les royaumes barbares de l'Europe occidental, jusqu'en Gaule où la ville d'Arles est touchée en 549, au témoignage de Grégoire de Tours.
Après quelques années de répits, pouvant durer environ de 9 à 13 ans, de nouvelles vagues se propagent à travers tout le bassin méditerranéen. Le paroxysme de l'épidémie est atteint de 589 à 592. La ville de Rome est décimée, emportant le pape Pelage II le 8 février 590. Ce décès déclenche alors un véritable mouvement de panique.
De nouvelles vagues se succèdent durant les décennies et siècles suivants, jusqu'en 767. Puis l'épidémie disparaît, sans que l'on en connaisse la raison.
Cette épidémie à vagues successives durant 236 ans est sans doute l'une des plus meurtrière que l'Histoire ait connue. Les conséquences effroyables touchent toutes les activités humaines : à cause d'elle, Justinien ne peut réaliser son rêve de restauration complète de l'Empire (renovatio Imperii) : ses troupes de reconquêtes doivent se limiter à l'Italie et à la côte andalouse, abandonnant le projet de reconquérir la péninsule ibérique et la Gaule. Le puissant empire sassanide voit son élan brisé, devient une proie facile lors de la conquête arabo-musulmane de la Perse entre 633 et 654. La rupture en termes de dynamisme spirituel et culturel est immense.
Des analyses récentes (2012), pratiquées sur les squelettes d'un cimetière de Bavière utilisé entre 500 et 700, montre que le bacille responsable est le Yersinia Pestis, le même que celui de la Grande Peste de 1347-1351, si tragique. Mais s'il est attesté que ce bacille est d'origine sino-mongole, l'on ignore tout pour l'instant de son développement entre la Haute Asie et ses premières manifestations aux bords de la Mer Rouge en 541. L'idée qu'il suivît la Route de la Soie ou celle des Épices en Mer Rouge n'est actuellement corroborée par aucun témoignage, ni littéraire, ni archéologique.