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536
L'année sans soleil

On remarqua cette année un prodige extraordinaire. Le soleil parut sans rayons, de même que la lune, et il ne jeta qu'une lumière languissante comme s'il eût été en défaillance. Les Romains ont toujours été affligés depuis, par la guerre, par la famine et par les calamités les plus funestes. Cela arriva dans la dixième année du règne de Justinien.

(Procope de Césarée Histoire de la Guerre des Vandales Livre IV chapitre 14-2).

 

Le mystérieux brouillard dure près de 18 mois. Cet été-là, il neige en Chine.

Les conséquences de ces années catastrophiques sont considérables, durables, épouvantables. Ce phénomène est corroboré aujourd'hui par la croissance nulle des cernes des arbres sur la plus grande partie de l'Eurasie et des espaces méditerranéens en 536 et 537. En plus de la dendrochronologie, l'étude des glaces polaires ou d'altitude met en évidence le dépôt de poussières qui, dans l'atmosphère, occultent la lumière du soleil au point d'en cacher les ardeurs. Très peu de temps après, le phénomène se reproduit en 540 et en 547, alors que l'ensemble des contrées méditerranéennes  et proches-orientales est touchée par la Peste dite de Justinien. L'accumulation de ces calamités coup sur coup mène à un désastre sur plusieurs décennies. Les glaciologues confirment que cette courte période de cinq ans est la plus terrible que le monde ait connu depuis les 2 500 dernières années.

L'origine de ces poussière est peut-être volcanique. L'on a incriminé un nuage qui aurait englobé toute l'hémisphère nord à partir d'éruptions islandaises, mais la preuve d'un phénomène d'une telle ampleur semble difficile à apporter. L'an 536 a vu aussi une très importante explosion volcanique à Rabaul, en Papouasie-Nouvelle-Guinée, mais comme ce volcan se situe dans l'hémisphère sud (par 4° au sud de l'Équateur), son impact climatique dans l'hémisphère nord n'a pas été retenu jusqu'à maintenant. Une autre explication est en cours de vérification (ou non) : il s'agirait d'une comète ou d'un astéroïde, dont une partie aurait pénétré l'atmosphère terrestre et produit un nuage météoritique. Mais pour l'instant, aucune comète ne répond à cette éventualité.

Le professeur Michael MacCormick, titulaire de la chaire d'Histoire médiévale à Harvard, assure dans la revue Science  à propos de l'année 536 en Europe : It was the beginning of one of the worst periods to be alive, if not the worst year " ("la pire année pour être en vie", N° du 15 novembre 2018).

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