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415
Lynchage d'Hypatie d'Alexandrie

A l'aube du V° siècle de l'ère chrétienne, Alexandrie reste l'une des capitales intellectuelles des Empires romains (celui d'Orient et celui d'Occident). La destruction du Sérapéum dès 391 a sans doute amené également celle de la Grande Bibliothèque, sous l'épiscopat de Théophile (évêque de la ville de 384 à 412). mais la cité alexandrine reste un foyer d'écoles philosophiques et scientifiques.

Au premier rang des savants de cette ville, il faut compter Théon, dont l'œuvre scientifique comporte notamment la réédition des Éléments d'Euclide et des commentaires sur les ouvrages-phares du Géographe,  Astronome et Mathématicien Claude Ptolémée (dont l'Amalgeste). Théon meurt au tout début du V° siècle, sans doute vers 405. Sa fille Hypatie, qu'il a formé et envoyé aussi à Athènes, le surpasse encore. C'est une philosophe païenne, néoplatonicienne, qui enseigne à de nombreux disciples, chrétiens ou païens, dont le futur évêque Synésios de  Cyrène. Elle est une Philosophe, Mathématicienne et Physicienne très savante, à la pointe des sciences de son temps : enPhilosophie, c'est une disciple du Néoplatonicien Plotin. En Mathématiques elle produit un Commentaire innovant des Coniques d'Apollonios de Perga, ou un traité d'Algèbre ou publie plusieurs traités (Commentaires de l'Arithmétique de Diophante avec ses propres algorithmes, nouvelles Tables astronomiques améliorant celles de Claude Ptolémée etc.). En mécanique, elle savait construire des astrolabes, instruments permettant de connaître avec une grande précision la date et l'heure d'un lieu quelconque à partir des positions des astres et des planètes, de même que des hydroscopes (instruments permettant de calculer la densité des liquides). Plusieurs inventions d'autres instruments lui sont couramment attribuées, peut-être par erreur.

La notoriété d'Hypatie se répand dans l'ensemble des deux Empires romains, où elle est reconnue comme une femme de science remarquable.  Mais Alexandrie est la proie d'une lutte de pouvoirs entre l'Évêque Cyrille, chrétien fanatique (il ferme toutes les synagogues d'Alexandrie et en chasse tous les Juifs) et Oreste, le Préfet de la ville, un modéré ami d'Hypatie, récemment converti au christianisme et en bute au prélat extrémiste. 

Au mois de mars 415, durant le jeûne du Carême, une foule de chrétiens fanatisés par le diacre Pierre (Petros, Boutros), cerne Hypathie dans la rue, l'entraîne dans l'église de Caesareum, voisine, la dépouille violemment de tous ses habits et l'assaille à coups d'Ostraka (morceaux de poteries cassées) jusqu'à ce que mort s'en suive, la dépècent et vont brûler les lambeaux de son corps démembré au lieu dénommé Cinarion.

L'horrible lynchage secoue l'ensemble des Empires romains d'Orient et d'Occident. Le chrétien Socrate de Constantinople (appelé aussi Socrate le Scholastique) rapporte le crime avec effroi. L'Évêque Cyrille est fortement soupçonné. Il n'est pas finalement inquiété mais son Église est durablement discréditée même chez les chrétiens. Deux siècles plus tard, l'évêque copte Jean de Nikiou affabule encore sur le "satanisme" d'Hypatie et édulcore les conditions de son assassinat. Passée sous silence dans l'Église catholique au Moyen-Âge, la notoriété de la savante et la sauvagerie de son lynchage sont redécouverts au XVIII° siècle avec le Siècle des Lumières. L'Historien Edward Gibbon voit dans ce meurtre un indice de la décadence de l'Empire Romain christianisé.  Mais l'Évêque Cyrille est toujours considéré comme "saint" par les Églises orthodoxe grecque et catholique. Cette dernière l'honore toujours comme "Docteur de l'Église".

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