1860
Sac et destruction des Palais d'été
Les 6 et 18 octobre 1860, les contingents anglais et français envoyés en Chine dans le cadre de la deuxième guerre de l'Opium pillent puis brûlent les Palais d'Été à 15 km au Nord-Ouest de Pékin. Ce fait d'armes honteux et barbare mérite quelques commentaires.
Entre 1839 et 1856, les Britanniques entrent par deux fois en guerre contre la Chine impériale pour la raison principale de défendre le commerce de l'opium dans l'Empire du Milieu. Les Empereurs et leurs gouvernements ont à chaque fois interdit la consommation et le commerce de cette drogue sur le territoire de la Chine. Cette interdiction lèse le très juteux monopole de la vente de l'opium dans cet empire, monopole qui appartient depuis le XVIII° siècle à la Compagnie britannique des Indes Orientales. Les conséquences de ce commerce illégal sont catastrophiques pour la population chinoise.
En 1839, la Grande Bretagne envoie un corps expéditionnaire à Canton et à Hong Kong pour se faire rembourser les stocks d'opium détruits et autoriser à nouveau le trafic de la drogue. Après la trahison de l'émissaire chinois, l'Empereur Daoguang (道光) déclare la guerre à la Grande Bretagne en 1841. Après l'échec d'une contre-offensive chinoise et une nouvelle agression britannique jusqu'à Nankin, le gouvernement de Daoguang signe le traité de Nankin le 9 août 1842. Les Britanniques y gagnent notamment le libre commerce de l'opium en Chine et la concession de Hong Kong.
Moins de quinze ans plus tard, les Britanniques, mais aussi les Américains et les Français, veulent étendre leurs privilèges commerciaux en Chine. De plus, si les Britanniques ont le droit de vendre de l'opium, les Chinois sont toujours interdits d'en consommer, même si la pratique de la drogue est largement répandue. Un incident fluvial se produit entre des officiers chinois et le cargo pirate (prétendument de Hong Kong) connu sous le nom de Arrow, dans un contexte marqué par la révolte des Taiping. Il sert de casus belli aux Britanniques et aux Français pour occuper Canton. Le Parlement anglais demande l'aide des États Unis d'Amérique et de la Russie.
Après l'occupation de Canton puis de Taijin (anciennement connue en France sous le nom de Tien-Tsin) en 1858, les alliés euro-américains cherchent à imposer le traité de Taijin à Pékin (création de onze comptoirs coloniaux en Chine, liberté de commerce sur le Yangzi Jiang, liberté de voyage pour les Européens etc.). Devant les hésitations du gouvernement chinois et après le traité séparé qu'il signe avec les Russes, les Français et les Anglais reprennent les hostilités en 1859 et fondent sur Pékin en 1860.
C'est alors que se produit la destruction des Palais d'été. Cette catastrophe politique et culturelle correspondrait pour la France de 1860 à la destruction complète et simultanée des Tuileries, du Louvre, de Versailles, de l'Institut de France, de la Sorbonne et de la Bibliothèque Nationale.
A l'occasion d'une lettre au Capitaine Butler, Victor Hugo proclame à ce sujet : "Un jour, deux bandits sont entrés dans le Palais d’été. L’un a pillé, l’autre a incendié. La victoire peut être une voleuse, à ce qu’il paraît. Une dévastation en grand du Palais d’été s’est faite de compte à demi entre les deux vainqueurs. On voit mêlé à tout cela le nom d’Elgin, qui a la propriété fatale de rappeler le Parthénon. Ce qu’on avait fait au Parthénon, on l’a fait au Palais d’été, plus complètement et mieux, de manière à ne rien laisser.
(...) Nous, Européens, nous sommes les civilisés, et pour nous, les Chinois sont les barbares. Voilà ce que la civilisation a fait à la barbarie.
Devant l’histoire, l’un des deux bandits s’appellera la France, l’autre s’appellera l’Angleterre. Mais je proteste, et je vous remercie de m’en donner l’occasion ; les crimes de ceux qui mènent ne sont pas la faute de ceux qui sont menés ; les gouvernements sont quelquefois des bandits, les peuples jamais."
La Chine, vaincue, humiliée, ruinée et amputée, signe la Convention de Pékin (18 octobre 1860), reconnaissant le Traité de Taijin, la liberté de consommation de l'opium, plus des clauses de libre circulation des Européens et des Américains en Chine, de colossales indemnités à la Russie, au Royaume Uni et à la France. De cette année, date le rabaissement de la Chine jusqu'en 1949.