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IURISPRUDENS

Jurisprudent : ce nom désigne des citoyens romains (le plus souvent sénateurs et anciens magistrats sous la République ou sous l’Empire) connus et appréciés pour leur science du droit romain, dont les avis influençaient les législateurs et les magistrats.

 

Le jurisprudent le plus ancien connu comme tel est Caius Appius Claudius Caecus, de la puissante gens Claudia, censeur en 312, deux fois consul (en 307 et en 297), deux fois dictateur (en 292 puis en 285 avant notre ère). Son activité de jurisprudent est notamment attestée par son livre De Usurpationibus, perdu depuis la fin de l’Antiquité mais connu par un passage de Pomponius conservé dans le Digeste (D. I, 2,2, 36).

 

Les plus grands jurisprudents du temps de la République sont trois membres d’une même famille : Publius Mucius Scaevola, consul en 133, l’année où son ami le Tribun Tiberius Sempronius Gracchus propose sa loi agraire. Il réussit à s’opposer à ce que le Sénat choisisse la violence contre le tribun mais ne peut empêcher la faction conservatrice de Scipion Nasica de fomenter son assassinat. Scaevola devient Pontifex Maximus en 130, meurt en 115, après avoir rédigé un livre de droit en dix volumes dont on n’a plus que quelques citations (D. I, 2, 2, 39). Son cousin Quintus Mucius Scaevola l’Augure, consul en 117 et Augure depuis avant 129 et jusqu’à son décès en 88 ou 87. Il est aussi versé en droit romain qu’en philosophie grecque et étudie le stoïcisme sous la direction de Panaetios de Rhodes. L’on ignore aujourd’hui les livres qu’il a composé, mais Cicéron dit de lui, plus que de son neveu homonyme, qu’il fut son maître le plus influent et l’illustre avocat en fait en fiction l’un des protagoniste de son De Oratore. Le neveu homonyme, Quintus Mucius Scaevola le Pontife, fils de Publius Mucius Scaevola (le consul de 133) est consul en 95, Pontifex Maximus en 89, assassiné en 84 (durant la guerre civile) et laisse un ouvrage encyclopédique de droit romain en dix-huit volumes. C’est l’un des maîtres de Cicéron après son oncle l’Augure.

 

Peut-on dire que Cicéron fut un jurisprudent ? Non, s’il est un habile et savant praticien du droit, si plusieurs de ses écrits abordent la philosophie politique (dans le de Legibus, ou dans le de Re publica), Cicéron n’est pas connu comme un conseiller juridique ni comme un auteur de la technique du droit.

 

Au début de l’Empire, Rome connaît deux écoles de juristes qui s’opposent sur de nombreux points : les Proculiens et les Sabiniens.

Les Proculiens sont dénommés d’après le cognomen, Proculus, de son second directeur.  Le premier directeur connu de l’école, Marcus Cocceius Nerva (le grand-père du futur Empereur), ami de l’Empereur Tibère, est connu pour avoir suivi une grève de la faim jusqu’à ce que mort s’en suive, malgré les supplications de l’Empereur. Tacite motive ce suicide par l’explication en partie sibylline : Les confidents de ses pensées disaient que, voyant de plus près que personne les maux de la république, c'était par colère et par crainte qu'il avait cherché une fin honorable, avant que sa gloire et son repos ne fussent attaqués (ferebant gnari cogitationum eius, proprius mala Rei Publicae uiseret, ira et metu, dum integer dum intemptatus, honestum finem uoluise TACITE Annales VI 26).

Les juristes proculiens les plus connus sont Marcus Antistius Labeo (Labéon) et Lucius Plotius Pegasus (souvent cité sous le seul cognomen de Pégase). Le premier est disciple de Caius Trebatius Testa, lui même disciple de Cicéron. Quant à Pégase, il se rallie à Vespasien, est nommé Préfet de Rome jusqu’en 85 ou 86 de notre ère. Ultérieurement, il est gouverneur de plusieurs provinces impériales, dont la Dalmatie. On lui doit le sénatus-consultr pégasien (imposant au fiduciaire d’accepter un fidéicommis d’hérédité, en même temps que la quarte pégasienne, adopté entre 69 et 79).

Cette école de droit tient sa spécificité de corroborer sa doctrine générale avec la philosophie grecque en général, avec la philosophie stoïcienne en particulier, tout en suivant de très prêt la législation romaine. Il semble que peu d’interprétations connues aient été suivies par les législateurs postérieurs.

 

L’école sabinienne est probablement fondée par Aulius Ofillius, qui se revendique aussi de Cicéron, mais s’oppose à son condisciple Trébatius Testa (on ne connait plus les termes de cette opposition). Il semble que cette école soit moins idéologique et plus conservatrice en droit que l’école proculienne. Son nom vient également de son deuxième directeur, Masurius Sabinus. Les deux juristes les plus connus de cette école sont Silvanius Julianus, qui fixe l’Édit des préteurs (l’Edictum perpetuum) à la demande de l’Empereur Hadrien, entre 134 et la mort de ce Prince (138). Le second est Gaius (dont on ignore le nom complet), probablement professeur de Droit à Béryte (Beyrout), et dont les Institutes ont été publiées en 161. Le texte nous est connu en entier par une découverte bibliophilique miraculeuse de 1816 ! Les Sabiniens ont sans doute plus inspiré le droit ultérieur que les Proculiens.

La rivalité de ces deux écoles se dissout à la fin du II° siècle de notre ère.

 

Le troisième siècle de notre ère voit la rédaction immense d’œuvres de droit : Ulpien (Domitius Ulpianus) compose un nombre important mais inconnu d’ouvrages, Modestin (Herrenius Modestinus) laisse au moins 17 livres en 86 volumes connus, Papinien (Aemilius Papinianus) compose notamment un recueil (Quastiones) de 37 livres. Paul (Julius Paulus) compose 86 traités, regroupant 319 volumes, sans parler de tout ce que nous ne connaissons plus (auteurs, livres et volumes). De tout cet imposant ensemble, il ne reste que des extraits épars. Tout le reste est perdu dans la poussière des siècles.

 

La loi des citations, promulguée par Valentinien III en 426, impose pour juger dans les procès de ne consulter que l’avis de cinq jurisconsultes dans leurs œuvres multiples : Gaius et les quatre ci-dessus, Ulpien, Modestin, Papinien et Paul. En cas d’avis divergents, elle légifère de choisir celui de Modestin. L’œuvre compilatrice de Justinien (achevée en 534) est plus drastique encore. Elle regroupe une somme d’extraits de ces auteurs dans le Digeste. Si terribles que soient les pertes consécutives à ces sélections, il est vrai que nous devons au Digeste d’avoir pu préserver un reste, si partiel soit-il, de tout cet ensemble autrefois monumental.

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