SENATUS
Sénat : Claude Nicolet définit cette assemblée comme le Conseil permanent de la Cité romaine, ou le « Conseil public » de l’État (Claude NICOLET Le métier de Citoyen Gallimard, Paris 1976, page 305 , cité par Eugen CIZEK Mentalités et institutions politiques romaines Fayard 1990, page 130). Elle fut l’axe central de la politique de la Cité, au moins durant toute la République, le plus souvent annexe sous l’Empire. Son influence vient de son Auctoritas dans toutes les affaires publiques (adhésion préalable aux décisions législatives des assemblées populaires). Les Sénateurs (de 300 jusqu’à Sylla, à 1 000 sous les Triumvirs) forment la direction oligarchique et aristocratique de la République. Les nouveaux Sénateurs sont souvent d’anciens Magistrats, mais c’est le censeur qui en fixe la liste (album sénatorial) après enquête périodique. Sous l’Empire, l’agrégation à l’ordre sénatorial dépend aussi de l’importance et du type de fortune des futurs sénateurs (propriété terrienne en Italie, revenus compatibles avec l’otium et ne provenant pas de professions populaires, cens d’un million de sesterces sous Auguste).
Au temps des Scipion (POLYBE Histoire VI 12), le Sénat a la haute main sur l’aerarium (le Trésor de l’État), c’est-à-dire sur les finances (recettes et dépenses de l’État), sur toute enquête de police qui concerne un officiel (magistrat etc.), sur l’envoi de troupes pour la police en Italie, sur la diplomatie, la guerre et les traités pour toute question concernant les États et Cités hors d’Italie.
Le rôle du Sénat sous le Principat est de seconder l’Empereur. L’apparence (trompeuse ?) de dyarchie lui laisse un prestige considérable, dans l’ombre de l’Empereur. Il garde un rôle judiciaire (affaires concernant un Sénateur ou chambre d’appel, toujours sur la demande de l’Empereur) et pour un temps financier (toujours sur l’aerarium, mais l’essentiel des finances publiques transite par le fisc impérial) jusqu’à la réforme de Néron en 56 quand l’aerarium passe sous l’autorité de deux préfets nommés par l’Empereur. L’Empire étant réparti en provinces impériales et sénatoriales, le Sénat délègue son autorité aux proconsuls et propréteurs dans celles-ci, mais le Sénat reste un vivier pour les légats (legati Augusti pro praetore) dans les provinces impériales et pour les hauts commandements militaires, à la discrétion de l’Empereur.
Le rôle politique principal du Sénat sous le Principat reste de confirmer officiellement la prise de pouvoir d’un nouvel Empereur (arrivé par succession dynastique ou par élection des Légions, voire par vote des Comices pour Vespasien). Les réformes de Gallien en 262 ruinent l’importance politique du Sénat.
Le rôle législatif du Sénat est complexe et évolutif : il ne vote pas les lois, il émet des sénatus-consultes (senatus consultum). Sous la République, par son autorité, ses avis en imposent souvent aux Comices (qui sont les assemblées législatives). Il incite également les Magistrats à prendre des mesures ultérieurement ratifiées par les Comices. Aussi, le préteur peut intégrer des sénatus-consultes à la législation. Sous le Principat, le Sénat interprète les lois votées et peut élire les Magistrats quand les Comices ne sont plus convoqués.
Au deuxième siècle de notre ère, plusieurs sénatus-consultes ont force de loi (s.c. Tertulianum rendu sous Hadrien appelant à la succession de ses enfants pré-décédés leur mère jouissant du ius liberorum avant les autres héritiers et le s.c. Orfitianum sous Marc Aurèle et Commode, appelant les enfants d’une mère à sa succession avant les agnats de la défunte, voté en 178 de notre ère, ou déjà le sc. Macedonianum rendu sous Vespasien sur l’interdiction du prêt au fils de famille et passé dans l’Édit du préteur).
À partir du troisième siècle, le Sénat n’a plus de rôle législatif. Il se contente de délivrer des avis que l’Empereur peut suivre ou non.
Indirectement, de nombreux s.c. se retrouvent dans le droit positif romain : Gaius cite plusieurs s.c., par exemple dans le droit des personnes (par exemple en I 30 sur la condition romaine de l’enfant né d’un père Latin et d’une mère Romaine, rendu sous Hadrien, ou celui cité en I 31 étendant le droit à la citoyenneté romaine d’un affranchi Latin au titre de la Loi Ælia Sentia, ou encore le s.c. Claudianus sur le réduction en esclavage d’une femme libre ayant persisté à s’unir avec l’esclave d’autrui contre l’avis formel du maître de ce dernier).
Le cas particulier du s.c. ultimum, autorisant le consul à réprimer par tous moyens possibles des menées révolutionnaires, appliqué pour la première fois contre Caius Sempronius Gracchus en 121 avant notre ère, reste hors de la législation normale.