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SERUUS

Esclave : individu sans droit, propriété d’un autre et jouissant d’une personnalité minimaliste.

 

Situation juridique de l'esclave

Le droit civil romain range l’esclave parmi les res mancipi, au même titre que les bêtes de somme et de trait. Son maître, Paterfamilias, peut l’acheter, le vendre, le punir, en disposer, l’abandonner et même le détruire (le tuer, toutefois après jugement d’un tribunal domestique). Il peut également l’affran­chir (dès la Royauté, selon divers procédés , voir ci-dessous).

Du fait de sa capacité de discernement, l’esclave est l’un des alieni iuris de la famille. A la discrétion de son maître, il peut jouir d’un pécule et l’administrer. De la même manière, il peut même être titulaire d’une autorisation de son maître pour le représenter (iussum domini) afin d’acquérir un bien ou de contracter en son nom. Difficilement intégré au culte familial, il peut jurer, par exemple, pour reconnaître certains devoirs futurs après son affranchissement, auprès de son maître et futur patron. Il n’a d’autre famille que celle de son maître et l’union avec un autre esclave (contubernuim) crée tout au plus une cognatio seruilis, dénuée de droits.

 

Économie servile

De fait, la condition économique, morale et matérielle d’un esclave dépend du bon vouloir de son maître et de la structure économique où celui-ci l’affecte. S’il existe parfois des liens affectifs de certains maîtres avec certains de leurs esclaves, comme le chagrin de Cicéron à la mort de son jeune lecteur Sosithée, anagnostes noster (CICERON Correspondance I 16, lettre à Atticus N° 12 du 1er janvier 693 de Rome), cette référence littéraire reste exceptionnelle. Bien plus considérable est l’utilisation massive et sans aucun état d’âme d’esclaves aux durs travaux des champs, ou, pire encore, de la mine. Il faut rappeler qu’en dehors des dépouilles des pays conquis et réduits en provinces, la principale source de la prospérité de la République et du Principat est le travail servile. Cette masse d’individus, hommes et femmes, est considérable : la victoire sur l’Épire en 167 avant notre ère rapporte à Rome l’asservissement de 150 000 Épirotes, autant la victoire sur les Cimbres et les Teutons en 104, 50 000 à la destruction de Carthage, plus d’un demi million à la suite des guerres de César en Gaule entre 58 et 51 avant notre ère… Les guerres serviles et leurs répressions sont épouvantables : celle mettant fin à la deuxième guerre servile en Sicile amène la mort directe de 20 000 personnes. Si l’armée de Spartacus aurait compté 120 000 combattants au plus fort de ses effectifs, la répression cumule la crucifixion de 6 000 esclaves sur la voie Appia, puis le massacre des fugitifs en Italie du Nord, estimée à 5 000 et qui vaut une cérémonie de triomphe à Pompée.

 

L'esclavage sous l'Empire

L’évolution de la situation de l’esclave sous le Principat est très contrastée. Pour toutes sortes de raisons, il existe à Rome un mouvement de fait constant pour l’affranchissement d’esclaves (par mancipatio, par la vindicte, par testament, voire informels comme inter amicos et per epistulam). Ce mouvement est combattu par deux loi votées sous Auguste : la Lex Fufia Caninia (752 de Rome) limite le nombre d’affranchissements par testament, dont Gaius livre le barème (on peut libérer l’esclave ou les deux esclaves dont on est propriétaire, ou seulement la moitié si l’on a au plus dix esclaves, le tiers si l’on a au plus trente esclaves, le quart pour au plus cent esclaves, le cinquième pour au plus cinq cents et tout au plus cent esclaves) (GAIUS Institutes I 43). La Lex Aelia Sentia (757 de Rome) interdit l’affranchissement d’esclaves dans plusieurs cas : si l’affran-chissement lèse les intérêts des créanciers ou d’un patron, si le maître a moins de vingt ans sauf pour motif sérieux (si l’esclave est le père ou la mère du maître, son précepteur, son frère de lait etc. cf GAIUS Op. cit. I 37-40).

 

De même, la condition juridique ou matérielle des esclaves publics s’améliore généralement. Ils peuvent transmettre la moitié de leurs pécules par testament à qui ils veulent.

La pratique du pécule des esclaves privés se développe également, y compris celui d’en disposer à vie et de pouvoir se le léguer. Finalement, l’esclave casatus (chasé), c’est-à-dire installé dans une casa (cabane, hutte) et le lopin de terre qui en dépend, arrive à disposer de très relatives sécurité et autonomie.

 

À l’époque tardive et byzantine, la condition de l’esclave chasé se rapproche de fait avec celle de l’homme libre réduit par la misère au colonat ou son placement sous la protection d’un riche propriétaire (patrocinia uicorum) : la constitution de Constantin, de 332 de notre ère, instaure en effet le colonat. Elle en fait le colonus, fermier perpétuel et héréditaire d’une parcelle de grand domaine, dont il ne peut d’aucune manière être expulsé mais qu’il n’a non plus, pas le droit de quitter : licet, conditione ingenui, serui tanem terrae (il est permis que, libres de condition, ils deviennent esclaves de la terre). Les humbles (humiliores) se font protéger par leur patrons (patroni uicorum).

Avec la fin de l’Empire romain d’Occident, les trois conditions de serui casati et de coloni ou d’hommes placés sous la patrocinia uicorum finissent par se confondre et fusionnent dans la condition du serf médiéval.

 

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