_svg.png)
Voici une forme plus développée de l'Histoire de Venise :
Venise est une cité unique. Née des marais de la lagune, elle devint au fil des siècles une république puissante et respectée.
Son destin fut fait de conquêtes, de richesses et de splendeurs artistiques, mais aussi de rivalités et d’un déclin inéluctable.
Ce récit retrace les grandes étapes de cette aventure, depuis la fondation légendaire jusqu’à la chute face à Napoléon.
L’HISTOIRE DE VENISE (jusqu’en 1797)
I DU MYTHE FONDATEUR À L’HISTOIRE (421 - 751)
421 est la date mythique de la fondation de Venise, comme 753 avant notre ère est celle de Rome. Mais rien ne nous permet de retenir quelque événement corroborant cette date. Quand Venise apparaît-elle avec certitude comme communauté de gens réfugiés dans la lagune ? La plus ancienne preuve archéologique datable rapportant des faits de gens de la Lagune remonte à 639, avec la pierre de fondation de la cathédrale de Sainte Marie Théotokos, connue sous le nom actuel de Santa Maria de Torcello.
Le premier Doge serait élu en 697.
II NAISSANCE D’UNE COMMUNE (751 - 1204)
L’exarchat de Ravenne tombe en 751, laissant les Vénètes, épargnés par leur abri lagunaire, en un lien lâche avec Constantinople, contrairement à toutes les autres villes de l’Italie du Nord, englobées dans les monarchies lombardes puis franques. Après deux tentatives d’annexion par l’Empire carolingien et des partisans vénitiens pro-francs, La Paix de Nicephore (811) consacre la reconnaissance de Charlemagne comme Empereur franc par l’Empereur de Constantinople et de Venise comme cité sous suzeraineté byzantine.
Dès 840, Venise est le premier port commercial européen après Constantinople. Il prospère notamment par la traite des esclaves, païens raflés en Dalmatie (Esclavonia). Venise s’illustre également dans son aide à Byzance dans sa lutte contre les Sarrazins.
Après la ruine de sa concurrente Commacchio (sur le delta du Pô), Venise s’impose sans partage en Adriatique.
La cité connaît plusieurs troubles dus à la volonté de certains Doges de transformer leur dogat en monarchie héréditaire. Mais elle reste ancrée dans un cadre politique oligarchique, avec de fortes résistances populaires.
La politique habile du Doge Pietro II Orsoelo permet un formidable développement de Venise entre les deux empires (franc et byzantin), tout en nouant de lucratives relations avec les puissances musulmanes de la méditerranée méridionale.
Son rôle s’affirme encore à partir du XIe siècle (Venise assure deux cents navires aux Croisés de 1099) et s’empare de Corfou contre son souverain théorique, Byzance, entre 1122 et 1124.
Les années qui suivent voient Venise confirmer ses privilèges commerciaux à Byzance, le début de la lutte contre l’expansionnisme normand en Méditerranée et le renforcement de la nature oligarchique du gouvernement de la commune.
En 1187, l’Empereur de Constantinople, Manuel Comnène, sévit contre cette commune devenue trop indépendante de son souverain (arrestation des Vénitiens de Byzance, saisie de leurs biens, interdiction de leurs activités commerciales).
Venise réagit en se rapprochant des puissances occidentales (entremises entre l’Empereur germanique et le pape), et en développant les pouvoirs du Grand Conseil aux dépends du Concio (Assemblé générale des citoyens majeurs).
La politique des Byzantins s’obscurcit (massacres de Vénitiens, accords privilégiés avec les Génois, concurrents des Vénitiens etc.)
III MATURITÉ DE LA DOMINANTE (1204 - 1423)
Cette attitude byzantine amène Venise à impulser le détournement de l’objectif de la IVe Croisade : ce ne sera pas l’Égypte puis la Terre-Sainte, mais Constantinople. Lors d’une crise dynastique byzantine, l’échec du rétablissement de l’Empereur légitime, favorable à Venise mais trop impopulaire, déclenche la décision de prendre Constantinople, de la piller et de se partager son Empire : c’est le sens des événements de 1204. Plutôt que de prendre la couronne impériale, le Doge, Henri Dandolo, taille pour sa cité un véritable empire colonial et thalassocratique sur les décombres de l’Empire byzantin (îles ioniennes et égéennes, Crète). Dès lors, Venise s’impose à nouveau comme le premier port européen en Méditerranée.
Mais le rétablissement de l’empire grec de Michel VIII Paléologue en 1261 et son entente avec les Génois menace la supériorité de Venise. Par ailleurs, l’implication de la Sérénissime dans les affaires italiennes notamment à Ferrare, fait dresser le pape contre la République adriatique. L’apogée de cette crise survient au XIVe siècle, quand la ville est frappée d’Interdit (religieux) par le pape Clément V (1308-1313). À la fin du siècle, Gênes menace directement les intérêts et même une fois l’existence même de Venise (1377-1381). Cette crise est résolue par l’effondrement de Gênes qui, menacée de guerre civile, se donne à Charles VI roi de France et disparaît pour un temps du cercle dirigeant de la politique européenne (1396).
L’évanouissement de la puissance byzantine devant le développement de l’empire ottoman conforte le rôle dominant de la Sérénissime. D’autres puissances apparaissent : Milan et l’Empire turc.
En 1423, le Doge Tomasso Mocenigo peut légitimement se vanter de la puissance de la République : 3000 bateaux marchands et 300 bateaux de guerre. Dans le même temps, la marine vénitienne emploie 36 000 marins (sur environ 150 000 Vénitiennes et Vénitiens).
Cette année-là, le Concio (Assemblée générale) disparaît complètement, sauf pour approuver par acclamation l’élection du nouveau Doge.
IV ASSOMPTION DE LA SÉRÉNISSIME (1423 – 1630)
Les trente années qui suivent sont marquées par les guerres de Lombardie entre Venise et Milan : l’extension des territoires de Terre-Ferme, devenus nécessaires à la Sérénissime, impose à Venise une nouvelle donne géopolitique en Italie du Nord (en matière de fourniture d’hommes et de vivres). En conséquence, la Dominante ne tolère plus la concurrence du Duché de Milan dans la plaine du Pô, jusqu’à la lourde défaite des Milanais en 1428.
L’évolution catastrophique de l’Empire de Byzance pousse Venise à s’accorder avec l’Empire ottoman naissant au traité de Thessalonique (1430), alors que cette ville passe sous domination turque. Les privilèges de Venise restant inchangée et la Sérénissime conserve une part de son empire maritime grec. La visite protocolaire et diplomatique de l’Empereur Jean VIII Paléologue à Venise en 1438 n’y change rien. Dans une Europe en crise (Guerre de Cent ans entre la France et l’Angleterre, famines et peste noire en terres allemandes), les Vénitiens sont les seuls à combattre aux côtés des derniers défenseurs de Byzance (1453). Mais dès l’année suivante, Venise renégocie ses privilèges commerciaux avec le Sultan vainqueur le maintien de ses privilèges commerciaux entre la Grèce, l’Anatolie et la Mer Noire (Traité de Lodi en 1454).
L’entente avec les Turcs ne dure pas et la guerre déclenchée en 1463 se révèle désastreuse pour Venise. Nègrepont (l’Eubée), Lemnos et Argos sont conquises par les Turcs. Venise paye 100 000 ducats pour indemniser les Ottomans sur le contentieux des dettes des Vénitiens, plus 10 000 ducats pour garder le droit de commercer en Mer Noire.
Venise reste pourtant dynamique en matière de commerce comme en matière de politique. Le mariage d’une fille de Patricien, Catarina Cornaro, avec l’héritier Lusignan du royaume de Chypre en 1472 laisse présager l’entrée de cette île dans le monde vénitien. La fin de la dynastie royale des Lusignan permet d’intégrer ce royaume aux possessions de la Dominante (1489). Les grands travaux de l’Arsenal, débutés en 1473 et qui dureront un siècle, porte sa surface totale à 262 0000 m².
La cité devient aussi un grand centre culturel, grâce à la préservation de centaines de textes de la civilisation grecque classique et byzantine (accords avec le Cardinal Béssarion en 1468 permettant de fonder la Bibliothèque Marciana en 1473, fondation des presses aldines (imprimeries) des 1494, éclosion de l’école de peinture vénitienne à la fin du XVe siècle, résidence d’architectes de renom dès 1537 etc.).
Venise est la plus grande métropole d’Europe en 1563 avec 168 500 habitants.
La Sérénissime est également menacée tout au long des Guerres d’Italie qui opposent les rois Valois de France à l’Empire allemand des Habsbourg pour le contrôle des états italiens. L’éviction définitive des Français d’Italie au traité de Cateau-Cambrésis (en 1559) laisse la Dominante face à une Italie presque entièrement conquise par les Impériaux (germaniques et ibériques).
Également, Venise résiste difficilement à l’expansion ottomane : déjà en 1537, Venise entre en guerre contre les Turcs et perd la plus grande part des îles égéennes, ne gardant au traité de paix de 1540 que Corfou, la Crète et Chypre, quelques positions en Morée (Péloponnèse). Lors de la quatrième guerre vénéto-ottomane, elle perd Corfou, ses dernières possessions de Morée et Chypre, malgré l’éclatante victoire de Lépante (1572).
À partir de 1604, la République refuse certains ordres religieux et la polémique enfle avec la Papauté jusqu’à la déclaration d’un Interdit (interdiction faite aux prêtres d’ordonner tous sacrements sur un territoire donné) prononcé par le pape contre la République de Venise en 1606. Alors que la guerre des États pontificaux et des Espagnols contre Venise se prépare, la médiation du roi de France Henri IV permet de désamorcer la crise en 1606 et 1607.
En 1618, une conjuration est découverte, organisée par l’Espagne, contre la République. Elle avait déjà lourdement infiltré la société vénitienne et le Conseil des Dix dirige une enquête qui aboutit à 300 exécutions. À partir de cette date, la Sérénissime adopte une doctrine politique de complète neutralité vis-à-vis de tous les États européens.
V DÉCLIN ET CHUTE D’UN GÉANT (1630 – 1797)
Déjà, en 1575, la Sérénissime supporte une épidémie de peste catastrophique, perdant 43 000 habitants sur 175 000. De nouveau, en 1630, une terrible épidémie de peste provoque la mort de près de 46 500 Vénitiens, soit le tiers de la population de la Cité. En cinquante ans, la dominante a perdu 40 % de sa population. Ajoutée aux crises économiques et politiques, ce désastre sanitaire redoublé décourage les Vénitiens de retrouver le dynamisme des siècles passés. À partir de cette date, Venise commence à déchoir lentement de son ancienne suprématie politique et économique.
En réponse à une provocation des Hospitaliers de Saint Jean de Jérusalem au large de l’île de Rhodes, l’Empire ottoman se lance en 1644 en une guerre contre la Crète vénitienne, dont l’épisode le plus significatif est le siège de Candie pendant 21 ans (de 1648 à 1669). Venise y gagne la reconquête de la Dalmatie mais y perd la Crète. La guerre aura ruiné la République (car elle coûte 4 253 000 ducats).
La guerre reprend en 1684, permettant à Venise de reconquérir toute la Morée en trois ans (1684 – 1687) sous l’énergique direction de Francesco Morosini. La guerre s’éternise sur d’autres théâtres d’opérations (en Grèce et dans les Balkans) avant la paix de Karlowitz en 1699, où Venise garde la Morée.
L’Empire ottoman reprend la guerre en 1714 et en un an reconquiert toute la Moré mais ne peut conquérir Corfou. La paix de Passarowitz (1718) entérine les reconquêtes turques.
Durant la décennie 1740 – 1750, l’aristocratie vénitienne accapare les terres agricoles et le commerce culmine à 20 millions de ducats sur cinquante ans, alors que la dette publique de la Sérénissime explose à 80 millions de ducats. Cet effondrement financier incite les dirigeants à négliger la flotte de guerre de la République, qui est réduite en 1792 à onze navires.
La République de Venise reste méfiante vis-à-vis de la nouvelle République française. Elle accueille le roi autoproclamé Louis_XVIII à Véronne pendant deux ans, avant que le Directoire n’obtienne son expulsion (1794 – 1796). Elle refuse par trois fois les projets d’alliances avec la France révolutionnaire.
En 1797, le Général Bonaparte (le futur Empereur Napoléon Ier) entre sur le territoire de la Sérénissime à l’occasion de sa lutte contre l’Empire Habsbourg. Mantoue est prise. La France occupe également Brescia, Bergame, Véronne. Sur un ultimatum de Bonaparte, qui utilise une politique flagrante d’intimidations, le Grand Conseil vote la liquidation de la République de Venise (par 512 voix contre 20), suivie par l’abdication du dernier Doge, Ludovico Manin.


