Allégorie du Soleil
- Dis moi maintenant. Qu’est ce qui est à l’origine de tout ce qui est, qui fait que nos yeux voient si bien et que les objets puissent être vus ?
- C’est évident, tu parles du Soleil !
- Et bien, la vue ne participe-t-elle pas à quelque chose de fantastique ?
- Que veux-tu dire ?
- Reprenons : le Soleil n’est ni l’œil ni la vue.
- Bien sûr que non.
- Et pourtant, nos yeux sont les plus semblables au soleil que tous les autres organes de nos sens.
- De beaucoup.
- Et le soleil, qui n’est pas la vue, la rend possible en même temps qu’il peut être vu par la vue elle-même.
- Bien sûr !
- Alors, Écoute bien, Glaucon. Le Bien* est dans le monde intelligible, celui de l’Esprit, ce que le soleil est dans le monde visible, celui des objets visibles.
- Qu’est-ce que tu dis ?
- Représente-toi des yeux tournés non vers la lumière diurne, laquelle magnifie les couleurs, mais vers les flambeaux de la nuit. Ces yeux-là sont presque comme aveugles, ne voyant pas comme dans la pureté de la lumière.
- Oui.
- Pourtant, ce sont les mêmes yeux qui voient clairement quand la lumière resplendit.
- Et alors ?
- Maintenant, pense de même au sujet de l’Esprit. Soit la vérité et l’être s’attachent à clarifier ce qui doit être distingué, conçu, connu et décrypté. Soit assujettie aux ténèbres et à tout ce qui est fluctuant, l’Esprit divaguera de ci de là, comme dépourvu d’intelligence.
- C’est ce qu’il me semble.
- Dis-toi, Glaucon, que comme la lumière révèle l’objet visible aux yeux, la vérité révèle les objets connaissables à la connaissance. La connaissance est la capacité de comprendre l’idée du Bien et la source des sciences.
En choisissant comme repères la vérité et l’être, ton Esprit marchera droit et tu parviendras à la connaissance du Principe qui les gouverne.
Comme la lumière et les yeux sont les images du soleil, la science et la vérité sont les images du Bien, Principe de tout.
- Tu parles là, Socrate, d’une beauté impossible, source de science et de vérité. Pour en revenir à ma question initiale, ce n’est sans doute pas le plaisir…
- Sacrilège ! Observe plutôt l’image du Bien !
- C’est à dire ?
- Reprends l’image du soleil. Nous lui devons non seulement la capacité de voir les objets visibles, mais aussi la genèse, la croissance et la nourriture de tout ce qui existe ici-bas.
- Oui, mais après ?
- De la même manière, nous devons au Principe du Bien l’essence et l’existence des êtres. Pour autant, le Bien n’est point l’essence des choses mais elles leur doivent d’être. De plus, le Bien dépasse tout être en Vénération et en Puissance.
* Ici, le texte de Platon mentionne « le Fils du Bien, que le Bien a engendré à sa propre ressemblance » mais cette phrase est isolée dans le reste du dialogue. Cette mention n’étant pas clairement explicitée dans le texte dont nous disposons aujourd'hui, elle est supprimée dans la paraphrase.
.