OBLIGATIO
Obligation : une obligation lie (obligare) deux personnes (ou plusieurs) : le créancier (creditor, reus credendi) et le débiteur (debitor, reus debendi), pour donner, faire, ne pas faire quelque chose (dare, facere, non facere), ou accomplir une prestation (praestare), selon un lien juridique précis (uinculum iuris). Nous présentons ci-dessous un petit résumé, mais la question concerne en fait la moitié d’un cours classique de droit romain présenté systématiquement.
Selon les mots de GAIUS Institutes III 88 : Omnis obligatio uel ex contractu nascitur, uel ex delicto. « Toute obligation naît d’un contrat ou d’un délit ». Par ailleurs, Modestin (Livre second des règles, conservé par DIGESTE XLIV 7, 52 introduction) détaille Obligamur aut re aut uerbis aut simul utroque aut consensu aut lege aut iure honorario aut necessitate aut ex peccato « Nous sommes obligés par les choses, ou par les paroles, ou par les deux ensemble, ou par un accord, par la loi, par le droit honoraire, par la nécessité ou par une faute ». Les Romanistes (comme par exemple A.-E. GIFFARD Précis de droit romain – tome II les obligations Édition Daloz 1934 § 12 pages 10 et 11) résument cette liste par une division en cinq parties ; les obligations se détaillent en celles dues :
-
par un contrat (ex contractu, re, uerbis, litteris, consensu),
-
par un quasi-contrat (quasi ex contractu, par exemple une tutelle),
-
par un délit (ex maleficio ou ex delictu),
-
par un quasi-délit (quasi ex maleficio),
-
par la loi ou le droit honoraire (ex lege, ex iure honorario).
La multitude des obligations ne permet pas ici d’en étudier le détail. Toutefois au vu de leur importance, nous tenons ci-dessous à indiquer quelques éléments sur les contrats et les pactes.
LES CONTRATS
D’après Gaius, les contrats sont réels, verbaux, par écrit ou par consentement mutuel (re, uerbis, litteris, consensu, voir GAIUS Op. cit. III 89).
L’exemple le plus connu de contrat réel (contractus re) est le prêt sans intérêt ni formalité autre : le mutuum. Par la simple tradition de la chose prêtée, l’emprunteur s’engage à la restitution (soit de la chose empruntée, soit de l’équivalent en quantité et en qualité). Relevant du droit des gens (ius gentium) le plus simple, il n’est théorisé qu’à la fin de la République.
Le prêt à intérêt (fenus) est également un contrat réel. À l’époque de Cicéron et toujours sous le Principat, le taux légal d’intérêt est de 1 % par mois, soit de 12 % par an. La capitalisation des intérêts est éventuellement possible, avant d’être interdite par Justinien.
La rédaction d’écrits, avec ou sans stipulation (voir ci-dessous), se développe sous l’Empire.
Le prêt à la grosse aventure (nauticum fenus) obéit à des usages particuliers.
Le contrat verbal
Le contrat verbal (obligatio uerbis) le plus habituel est la stipulation (stipulatio). Dans sa forme la plus simple, c’est un dialogue court mais solennel sous forme de question et réponse. Par exemple, - Dari spondes… ? - Spondeo. (- Réponds-tu qu’il sera donné… ? - J’en répond). À noter que cette forme-ci est le seul mode de stipulation propre aux Citoyens romains (droit civil). D’autres formes existent qui ne sont reconnues que dans le droit des gens (ius gentium) et donc également accessible aux personnes qui ne sont pas Citoyens (GAIUS Institutes II 92 et 93). Par exemple : - Fidepromittis ? - Fidepromitto. (- Donnes-tu ta parole ? - Je donne ma parole), mais d’autres expressions peuvent être employées, voire dans d’autres langues (pourvu qu’elles soient connues des deux parties), spécialement en grec (- Πίστει κελεύσις ; - Πίστει κελεύω : même sens que ci-dessus). De ces formules, il vient que la stipulation en droit civil romain porte le nom de Sponsio, que toutes les autres, reconnues seulement en droit des gens portent le nom de Fidepromissio.
La simplicité et la force contraignante de la stipulation en font un outil privilégié pour faire naître des engagements (des obligations) : créances, cautions, successions, fiançailles etc. Notamment, le préteur peut contraindre par une stipulatio praetoria pour que la partie engagée doivent respecter comme obligations des solutions juridiques proposées dans son Édit (par exemple, pour un tuteur de maintenir intact le patrimoine de son pupille etc.).
La forme initiale de la stipulation est nécessairement orale : Gaius rappelle encore que le sourd ou le muet ne peuvent pas stipuler (Gaius Op. cit. § III 105). Un signe de tête (nutus) ne peut pas engager dans une stipulation et l’on ne peut stipuler en l’absence de l’une des parties. Au V° siècle de notre ère pourtant, les stipulations se créent entièrement par écrit et les parties n’échangent plus les paroles, se contentant d’écrire ou de faire écrire leur accord. Un texte des Institutes de Justinien (III, 19, 12) atteste que la stipulation se crée entièrement par écrit, mais si l’on peut prouver que l’une des parties était absente au jour et au lieu de la stipulation, celle-ci peut être attaquée (C VIII, 37, 14).
Deux autres formes d’obligato uerbis existent à l’époque classique : la promesse solennelle de dot au moment de l’accord en vue de la conclusion du mariage (dictio dotis) et la promesse de travail de l’affranchi envers son patron après l’affranchissement (iusiurandum liberti) : c’est un serment avant affranchissement, dans le cadre du culte familial, qui crée une obligation de jours de travail à fournir après son affranchissement.
Les contrats écrits
Les contrats par écrit (obligationes litteris) sont décrits par Gaius dans ses Institutes (III 128-134) pour l’année où il publie son manuel (161 de notre ère). Mais celles-ci apparaissent à la fin de la période de l’Ancien Droit, disparaissent sous l’Empire. Entre-temps, d’autres formes d’obligations litteris sont reconnues dans la partie hellénophone de l’Empire romain, dénommées chirographiae et syngraphiae.
Les contrats par écrits sont des reconnaissances de dettes sous forme de jeux d’écritures (in nomibus transcripticiis). Ceux-ci sont écrits sur les Codeces (livres de comptes) de chaque père de famille (des Patri Familias aussi bien que des pères de familles autres que Romaines). Gaius connaît deux formes de contrats par écrit : la transcriptio a re in personam et la transcriptio a persona in personam ; a re si l’obligation est née pour régler une chose (achat, location ou encore comme participation à une société) ; a persona pour régler la dette d’un tiers, à la suite d’autres transactions entre les deux compères (si id quod mihi Titius debet, tibi id expensum tulero, id est si Titius te pro se delegareuit mihi). Les Romains seuls peuvent s’obliger de personne à personne, mais les pérégrins peuvent aussi s’obliger par une transcriptio a re in personam (cas tranché par Nerva aux dires de Gaius : III 133).
Les chirographies et des syngraphies, mentionnées pour mémoire par Gaius, sont des forme d’écritures par lesquelles un débiteur reconnaît une dette actuelle ou future envers son créancier. Les papyrus grecs d’Égypte recèlent de multiples documents relatifs à ces obligations. Les personnes engagées dans des actes chirographiques sont protégées contre d’autres formes de poursuites (pour ces dettes etc. ; par exemple Gnômôn de l’Idiologue = papyrus B.G.U. V 1210, article 99).
Les contrats par consentement mutuel
Les obligations par consentement mutuel (obligationes consensu) sont de quatre sortes : 1) la vente, 2) le louage, 3) la société, 4) le mandat (GAIUS, Op. cit. III 135). Gaius rappelle que c’est le seul type d’obligation où l’une des parties peut être absente et l’accord conclu par correspondance (par lettre ou par échange de messagers).
Au regard de son importance tant juridique et économique qu’historique, nous évoquerons ici surtout le contrat de vente, sans pour autant se taire sur les autres.
Le contrat d’achat-vente (emptio et uenditio) est l’aboutissement de formes plus anciennes à la notoriété universelle : initialement le don et le contre-don, ultérieurement le troc. L’achat-vente est l’échange d’une chose (res) contre son prix (pretium), compté d’abord en quantité de métal, puis en monnaie, selon certaines formes.
Gaius et ses maîtres sabiniens (contre l’avis des Proculiens – voir l’article Iurisprudentes) estiment que la vente est parfaite dès que sont conclus consensuellement l’accord sur la chose en vente et sur son prix, avant la transmission de la chose vendue et avant même le versement du prix ou des arrhes (GAIUS III 139 : Emptio et uenditio contrahitur cum de pretio conuenerit, quamius nondum pretium numeratum sit ac ne arra quidem data fuerit ; nam quod arrae nomine datur argentum est emptionis et uenditionis contractae). C’est la théorie qui l’a historiquement emportée aux époques ultérieures et jusque dans nos droits contemporains.
La quantité de métal est initialement vérifiée par le bronze et la balance (per aes et libram). Si la chose est non mancipée (res nec mancipi), s’en suit sa transmission (traditio) et la vente est finie. Sinon, il était nécessaire de procéder à une mancipation (mancipatio : voir le mot mancipium), encore faut-il que le vendeur et l’acheteur jouissent tous deux du ius commercium.
Si la vente est conclue « par échange de promesses », elle peut nécessiter trois opérations distinctes : 1) l’échange des promesses qui valide la vente (promissiones), 2) le transfert de la chose vendue (traditio), 3) le paiement (solutio).
L’importance économique de l’achat-vente implique de très nombreux raffinements dans le détail de chaque élément ci-dessus énoncé (nature ou altération de la chose, lésions, garanties, versement du prix, droits du vendeur sur la chose vendue, transfert de la chose vendue, altérations du consentement, dol, interprétation proculienne, autres théories sur l’achat-vente etc.). Ce n’est pas le lieu ici de les présenter.
Par contre, nous croyons utile de rappeler un aspect particulier : les ventes publiques d’esclaves ou de bêtes (de trait ou de somme) – dans tous les cas il s’agit de mancipia - relève de la juridiction des édiles curules. Quand ils ont à connaître des différents entre les parties, ils suivent des actions (actiones : voir ce mot) qui partent du principe que les vendeurs doivent connaître ce qu’ils vendent (l’on dirait en termes contemporains qu’il ne pourrait être question pour eux de vices cachés). Le cas échéant, le vendeur doit restituer tout ou partie du prix de vente (selon l’importance du vice ou selon son attitude ?). Progressivement, une stipulatio duplae (stipulation du double) était imposée à ces ventes, permettant à l’acheteur malheureux de récupérer en dédomagement ou en rachat le double du prix de vente. Finalement, même en cas d’absence de cette stipulation obligatoire, le vendeur était sanctionné par deux actions possibles :
- l’action rédhibitoire (actio redhibitoria) impose la restitution réciproque du prix et de l’être vendu, étant entendu que le prix est doublé à la charge du vendeur malhonnête ou malheureux, jusqu’à six mois après la date de la vente ;
- l’actio aestimatoria (ou actio quanti minores – c’est-à-dire action au combien de moins) pour que l’acheteur récupère une partie du prix, jusqu’à un an après la vente.
Une question reste en suspens : au plus tard à la fixation de l’Édit du préteur (donc avant 138 de notre ère), l’action d’estimation (initialement spéciale à la vente publique d’esclaves et de bêtes mancipables) est étendue aux ventes d’immeubles, comme l’attestent les références aux livres perdus d’Ulpien (De l’édit, livre XXXII) et de Paul (de l’Édit, livre XXX), reportées en chapeau des textes du Digeste XIX, 3, 1 et 2 (de Aestimatoria). Pourtant, si cette extension date bien de 138 ou avant, pourquoi Gaius, qui publie en 161, n’en parle pas du tout, ni à propos de la vente (III 139-141), ni à propos des actions sur des faits contractuels (IV 70-74) ? Il serait astucieux mais risqué d’affirmer qu’il en parle dans une lacune (comme celle qui suit la menton de la fiction dans l’action rutilienne en IV 35) ! Nous n’avons pas la solution à cette question.
Une deuxième obligatio consensu est le contrat de louage (locatio conductio), entre un loueur et un locataire pour que la partie qui obtient la jouissance d’un bien ou d’un travail rémunère l’autre partie. Il existe trois types de locations :
-
la location d’une chose (locatio rei), où le bailleur (locator) s’engage à faire jouir son locataire (conductor) de l’usage d’une chose (res) contre un loyer (merces) ; classiquement, cette location s’applique à des biens immobiliers (maisons, appartements, propriétés), mais rien ne s’oppose à ce que la location concerne autre chose, comme une bête de trait ou de somme (iumentum) au témoignage de Gaius (Op. cit. IV 28) ;
-
le louage de service (locatio operarum), où l’individu qui loue sa force de travail (locator) s’engage à travailler pour un employeur (conductor), contre un salaire, toujours quotidien (merces) ; ne sont pas l’objet de ce louage, ni l’esclave qui travaille pour son maître, ni la nourrice, ni l’avocat (l’une et l’autre rémunérés par des honoraires) ; l’importance considérable du travail servile explique la part restreinte du recours à ce genre de contrat ;
-
le louage d’industrie (locatio operis faciendi), où le propriétaire (locator) loue à un entrepreneur, un marchand (conductor) le travail que ce dernier effectue (opera) ; dans ce cas, c’est le locator qui rétribue le conductor pour son travail (merces).
Ce dernier contrat est utilisé par un père (locator) qui loue le travail d’un précepteur qui n’est pas son esclave (conductor) pour l’éducation de son fils. C’est enfin le contrat par lequel le propriétaire d’un bateau le loue à l’armateur pour le commerce maritime.
Nous mentionnons ici pour mémoire le contrat de société et le mandat. Ces deux types de contrats ont deux particularités, qui n’existent pas dans les autres : d’une part, ils sont conclus en fonction des affinités des personnes (intuitu personae), d’autre part, les actiones pro socio et mandati, en raison même de cette affinité et de la fraternité qui doit y régner (ius fraternitatis), sont susceptibles d’entraîner l’infamie à l’encontre du condamné. Giffard voit dans ces particularités des transformations de l’ancien droit civil sur la famille et de la bonne foi (fides), comme il le précise dans son précis de droit romain (II 139 page 76 et II 144 page 79).
La société (societas, consortium) a d’abord désigné l’indivision familiale (erctum non citum selon Gaius III 154a) à la mort d’un Pater Familias, entre les anciens fils de famille qui désiraient éviter le partage des biens. Ceux qui voulaient sortir de l’indivision exerçaient l’actio familiae erciscundae et procédaient à leur prise de part. Dès le VI° siècle de Rome (après 250 avant
notre ère), des citoyens (appartenant le plus souvent à l’ordre équestre) créent des sociétés de Publicains (societates publicanorum), chargées de récolter l’impôt à ferme et d’approvisionner des fournitures à l’armée (vivres et armement). Ultérieurement, des sociétés se sont constituées, toujours sur une base volontaire entre des citoyens :
- animés d’une affinité entre eux (intuitu personae) et d’une intention de faire société (affectus societatis, animus contrahendae societatis),
- mettant chacun des apports en commun (biens ou droits sur des choses, industrie, activité),
- dans le but, nécessairement légal, de partager chacun d’entre eux des avantages sociaux ou des bénéfices.
Ces sociétés sont constituées pour réaliser des opérations juridiques communes sur un domaine rural, un commerce, une industrie. Il est possible de mettre en commun une seule chose (societas unius rei) : un fonds de terre, un esclave etc.
Les sociétés de Publicains sont de puissantes structures où se concentrent bien des intérêts publics et privés. Elles intègrent des cercles dirigeants qui contrôlent une importante structure du pouvoir et de la richesse à Rome entre le II° siècle avant notre ère et l’effroyable crise frontale du III° siècle de notre ère.
Enfin, la dernière obligation consensuelle est le mandat (mandatum) : c’est un contrat de bonne foi, qui ne peut exister que par le lien d’amitié qui lie les parties. Le mandant demande à un ami qu’il investit mandataire (procurator) de lui rendre un service : ce peut être une opération financière ou juridique, ou tout autre acte légal. Le mandat est gratuit. Le mandat prend fin par l’arrivée de son terme (accomplissement de sa raison d’être), par la mort de l’une des parties, par sa révocation par le mandant, ou par la renonciation du mandataire du moment que celle-ci ne porte pas atteinte au mandant.
D’autres contrats réels de bonne foi existent : la fiducie (fiducia), par laquelle une chose est donnée (data) avec convention qu’elle sera restituée au donneur à une date fixée, le commodat (prêt à usage : commodatum) ou le gage (pignus). Plusieurs sortes de quasi-contrats existent également (condictio, gestio etc.).
PACTA
Pactes : les premiers pactes sont des conventions qui sont conclues entre les parties pour régler des différents d’ordre pénal ou civil. Elles avaient pour finalité de substituer des peines plus légères à celles prévues par la Loi des XII Tables, considérées comme bien trop rudes. L’on connaît les pactes surtout à partir des décisions des préteurs, à partir de 367 avant notre ère.
Les pactes sont rangés en trois catégories, selon qu’ils complètent un contrat (pactes adjoints : pacta adiecta) et ceux que l’on appelle aujourd’hui les pactes prétoriens, car édictés par le préteur ; à ces deux catégories, s’ajoutent les pactes légitimes, qui sont des conventions imposées par les Empereurs de l’époque tardive et byzantine.
Les pactes adjoints
Selon le temps de leur rédaction, les pactes adjoints sont répartis en :
-
pactes adjoints à un contrat in continenti (en continuité, c’est-à-dire immédiatement après la conclusion du contrat) ; ils peuvent être ad minuendam pbligationem (minutoires, c’est-à-dire qu’ils portent une diminution de l’obligation normale résultant de l’application du contrat), le pacte ne comportant pas d’action (actio) fait naître une exception (parit exceptionem) ; ad augendam obligationem (de renforcement : ils portent au contraire une augmentation de l’obligation), ils sont réputés sans effet, sauf s’ils complètent une stipulation (stipulatio) ;
-
pactes adjoints à un contrat ex intervallo (après un certain intervalle de temps) ; ils peuvent comporter les mêmes clauses, généralement non reconnues par le juge ou le magistrat ; mais ils peuvent également comporter une résolution (condictio) qui pourra être prise en compte ;
-
pactes adjoints à la traditio (à la transmission de la chose) ; notamment les pactes de restitution (mancipatio ut remancipetur) ou d’affranchissement de l’esclave livré (datio serui manumittari) ou encore une condictio.
Les pactes prétoriens
Les pactes prétoriens naissent de l’engagement du préteur de faire respecter les pactes exempts de dol ou de fraude et qui ne sont pas contraires aux lois de la Ville ni aux autres sources législatives (pacta conventa seruabo : je veillerai aux pactes convenus). Mais, au delà des contrats et des pactes convenus, le préteur, dans son Édit, annonce qu’il fera respecter diverses dispositions relatives au crédit d’un défendeur (actio certae creditae pecuniae : action relative à une dette certaine en argent) : en matière de dépôts (recepta), de pactes de serments et de pactes de constitut.
Le pacte de constitut est initialement un moyen dépénalisé de reporter et de confirmer l’échéance d’une dette, moyennant le paiement d’une part supplémentaire significative de la somme initiale : le débiteur promet (à titre de pénalités) de payer en plus la moitié de la dette de départ (sponsio dimidae partis). Ce pacte peut être reconduit, reformulé, modifié en fonction de la bonne volonté du débiteur entre les mêmes personnes (inter easdem personnas) ou modifié pour qu’un créancier nouveau apparaisse, ou un nouveau débiteur qui se manifeste alors comme un garant de l’ancien (inter nouas personnas).
Les pactes de serments consistent entre le créancier et le débiteur à jurer solennellement l’existence d’une dette (le créditeur demande à la partie adverse de jurer qu’il est son créancier, ou si celui-ci jure ne pas lui devoir de l’argent il abandonnera sa créance). Ce dernier peut aussi demander en réciprocité à la partie adverse de jurer qu’il est son créancier, auquel cas il paiera.
Les pactes de dépôts (recepta : les Romains disaient de reçus) sont distingués selon le lien du dépositaire avec le déposant ou selon son activité : les recepta arbitrii (les dépôts à la suite de compromis), les recepta nautarum, cauponum et stabulariorum (auprès des capitaines de navires, des aubergistes et des propriétaires d’écuries) et les recepta argentarii (auprès des banquiers).
Les pactes de reçus auprès des banquiers sont des accords par lesquels le débiteur charge son banquier de régler une dette au créancier (c’est-à-dire pour le compte de son client). C’est le même système classique de paiement par un tiers, reconnu par son activité, que celui, moderne, du billet à ordre ou du chèque. L’on se limitera à trois observations, sur l’importance de ce procédé et de l’ignorance où nous sommes du détail : d’une part, son domaine d’application était très large, sans que l’on puisse apprécier l’étendue du recours à ce procédé. D’autre part, cette forme de paiement s’accompagnait de mots solennels : solemnibus uerbis composata. Le dépôt du banquier était-il un contrat formaliste ? Il ne nous est pas possible de répondre. Enfin, dans son Code, Justinien a tardivement confondu ce dépôt du banquier avec le pacte de constitut où un tiers se pose comme garant de la dette du débiteur initial. Faut-il voir dans cette confusion les conséquences d’une grave récession financière à la fin de l’Antiquité et au début de la période byzantine ? Le scribe avoue qu’il aimerait cette explication mais les données connues à ce jour sont trop partielles et pas assez étudiées pour qu’il puisse répondre fermement en ce sens.
Une deuxième forme de dépôt est spécifique aux professionnels du transport ou du déplacement : l’aubergiste, le marin (le capitaine du navire), le palefrenier (le propriétaire de l’écurie). Le texte de l’Édit est très clair : le dépositaire est toujours responsable, même en cas fortuit, de la destruction de l’objet (mais il existe un cas de force majeure : par exemple lors d’une tempête, où le capitaine peut jeter à la mer une partie des objets qu’il transporte pour sauver les personnes, le navire et si possible le reste de la cargaison : cas particulier de la Lex Rhodiae de iactu qui prescrit que les pertes seront réparties entre tous les chargeurs).
La troisième forme de recepta reconnue par le préteur est le receptum arbitrarii. Il ne s’agit pas ici d’un dépôt au sens où nous l’entendons : cette obligation est littéralement la réception du rôle d’arbitre par un tiers choisi par les deux parties d’un litige, plutôt qu’à un juge désigné par le magistrat. Une fois ce rôle accepté par ce tiers, il ne peut se dédire des obligations qu’il a contractées avec les parties (à savoir de donner un arbitrage), sous peine d’être sanctionné par le préteur en vertu de son imperium (cas unique de mise en exercice de cet imperium en matière d’obligations).
Les pactes légitimes
Les pactes légitimes sont des conventions qui, bien que n’ayant jamais été qualifiées de contrats dans le droit romain, acquierent un formalisme obligatoire dans le Code Justinien et sont dès lors sanctionnées par une action de droit désignée sous le nom de condictio ex lege. On en compte de trois types : la promesse de donation, la constitution de dot et le compromis.
La promesse de donation connaît deux périodes très différentes en droit romain. Sous la République et le Principat, divers procédés permettent d’organiser une donation, du moment que trois éléments sont réunis : l’intention ferme de donner (animus donandi), l’enrichissement du donataire et l’appauvrissement du donateur. Les deux procédés les plus fréquents sont la simple dation (datio) - où le donataire transmet la propriété de la chose donnée par mancipatio ou par simple traditio - et par la stipulation (stipulatio). Mais d’autres modes de donations existent (par délégation, par acceptilatio c’est-à-dire par quitus).
Aux époques ancienne et classique du droit romain, la donation, vue avec réticence par le législateur (les Comices), est encadrée par au moins deux lois, la Lex Cincia (votée en 550 A.U.C. ou 204 avant notre ère) et la Lex Calpurnia (605 A.U.C. ou 149 avant notre ère). La loi Cincia restreint à des proches (parents ou alliés) le droit de faire ou de recevoir des donations. Elle interdit aux avocats, aux patrons etc. de recevoir des cadeaux ou des donations au-delà d’un taux déterminé (qui ne nous est plus connu) de leurs clients ou affranchis, afin de lutter contre l’appauvrissement des petites gens au profit de riches citoyens (en paiements indus de leurs services). La loi Calpurnia interdit aux magistrats de percevoir des donations de leurs administrés sous peine d’être déclarés concussionnaires. La loi prohibant les donations entre époux, adoptée après la loi Cincia, n’est pas connue.
Mais une évolution inverse se fait jour dès le début du III° siècle. Un sénatus-consulte adopté sur proposition de Caracalla (l’oratio Antonini) en 206 tolère des donations révocables entre époux. Dans les mêmes temps, des donations deviennent possibles sous conditions de charges (sub modo) en faveur du donataire ou d’un tiers. En 258, les Empereurs Valérien et Gallien accordent aux donations sub modo une actio utilis. À la suite de l’Édit de Milan sur la tolérance de la religion chrétienne (312), Constantin légifère (en 316) sur les donations, ce qui permet un développement foudroyant des fondations pieuses chrétiennes. Trois conditions sont requises : tradition publique devant des voisins devenus témoins, rédaction d’un acte par écrit, insertion de l’acte dans les bureaux officiels (professio apud acta).
La législation byzantine consacre la possibilité de révocation d’une donation pour trois causes possibles : pour ingratitude du donataire, en cas de la survenance d’un enfant et, dans le cas d’une donatio sub modo, en cas d’inexécution de la charge demandée. De même, les donatones mortis causa peuvent être instituées en vue de la mort du donateur ou s’il s’estime en danger, pouvant toujours être révoquées soit en fonction d’une condition, soit à partir de Justinien, par une action spécifique (uindicatio utilis).
Un autre pacte légitime est la constitution de dot, de la famille de l’épouse en faveur du mari et dont la promesse devient obligatoire par une constitution des Empereurs Théodose et Valentinien en 428.
La dernière forme de pacte légitime est le compromis, une forme allégée du receptum arbitrarii, devenu obligatoire sous Justinien.
D’autres conventions génératrices d’obligations existent aussi : les quasi-contrats et les contrats innommés, dont nous ne parlerons pas ici. On ne parlera pas non plus des obligations nées des délits (considérés de notre point de vue comme du droit pénal).