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CIVILISATION

vue par Fernand BRAUDEL


Fernand BRAUDEL Grammaire des Civilisations Librairie Belin 1963
Partie I Chapitre 3 Les civilisations sont des continuités -
Introduction et conclusion

 

     Dans un débat compliqué et qu'elle compliquera encore, mais auquel elle va donner un sens, reste à introduire l'histoire, ses mesures, ses explications évidemment essentielles. En effet, il n'y a pas de civilisation actuelle qui soit vraiment compréhensible sans une connaissance d'itinéraires déjà parcourus, de valeurs anciennes, d'expériences vécues. Une civilisation est toujours un passé, un certain passé vivant.

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     L'histoire d'une civilisation, par suite, est la recherche, parmi des coordonnées anciennes, de celles qui restent valables aujourd'hui encore. Il ne s'agit pas de nous dire tout ce que l'on peut savoir à propos ou de la civilisation grecque, ou du Moyen Âge chinois, mais tout ce qui, de cette vie de jadis, reste efficace aujourd'hui même, dans l'Europe occidentale ou de la Chine de Mao Tsé-toung. Tout ce par quoi passé et présent se court-circuitent, souvent à des siècles et des siècles de distance.

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     Ces voyages à travers les résistances, les acquiescements, les permanences, les lentes déformations des civilisations permettent de formuler une dernière définition, celle qui restitue aux civilisations leur visage particulier, unique : elles sont des continuités, d'interminables continuité historiques.

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     La civilisation est ainsi la plus longue des longues histoires. Mais l'historien n'accède pas d'entrée de jeu à cette vérité : elle ne se dégage qu'au terme d'observations successives. Ainsi, dans une ascension, la vue s'élargit-elle progressivement.

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     Cette histoire au long souffle, cette télé-histoire, cette navigation hauturière conduite à travers la pleine mer du temps, et non plus comme le sage cabotage au long des côtes jamais perdues de vue - cette démarche historique, quel que soit le nom ou l'image dont on l'affuble, a ses avantages et ses inconvénients. Ses avantages : elle oblige à penser, à expliquer en termes inhabituels et à se servir de l'explication historique pour comprendre son propre temps. Ses inconvénients, voire ses dangers : elle peut tomber dans des généralisations faciles d'une philosophie de l'histoire, plus imaginée que reconnue ou prouvée.

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      Les historiens ont sûrement raison de se méfier de voyageurs trop enthousiastes, comme Spengler ou Toynbee. Toute histoire poussée jusqu'à l'explication générale exige des retours constants à la réalité concrète, aux chiffres, aux cartes, aux chronologies précises, bref aux vérifications.

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       Plus qu'à la grammaire des civilisations, par suite, c'est à l'étude des cas concrets qu'il convient de s'attacher pour comprendre ce qu'est une civilisation. Toutes les règles d'accord et de désaccord que nous avons définies et trouveront éclairées, simplifiées, par les exemples qui vont suivre.

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