Ilya RÉPINE : Alexandre Kerinsky
Илья Ефимович РЕПИН : Портрет А.Ф. Керенского, 1918
Il existe trois portraits d'Alexandre Kerensky au pouvoir (durant l'automne 1917). Deux sont de Répine et un de son ancien élève, Isaak Brodsky. Les trois ont été peints ou travaillés à partir des séances de poses que le chef d'État accordait aux deux peintres ensemble pendant son travail, dans l'ancienne Bibliothèque de Nicolas II, au Palais impérial de Saint-Pétersbourg. Après bien des hésitations, votre webmestre a décidé de vous montrer les deux tableaux de Répine. Celui qui est présenté ci-dessus est le deuxième tableau du maître.
Alexandre Kerensky présente une psychologie personnelle attirante. Ancien avocat, militant du Parti Socialiste révolutionnaire, est un excellent orateur qui sait séduire les foules, auxquelles il s'adresse avec facilité. Il veut construire une République russe moderne, mais sa volonté de poursuivre la guerre contre l'Empire allemand aura raison de son pouvoir.
Les deux tableaux de Répine sont peints sur linoléum, dans des tailles comparables (114 cm x 84 et 116 x 85). Ils utilisent tous deux des techniques venues de l'impressionnisme, autrefois boudé par le peintre (voir le tableau de Sadko). La maîtrise de la couleur, le jeu de la lumière solaire sur la tête du chef d'État, qui se dégage d'un fond sombre, sont parfaitement accomplies dans les deux cas. Mais il apparaît que les deux tableaux, par bien des points semblables, présentent des attitudes psychologiques différentes, voire opposées. Le premier tableau (voir ci-après) représente Kerensky maître de sa personne et de sa politique, presque conquérant. La lumière inonde la scène. Le deuxième tableau présente le même homme, dans une attitude semblable, mais comme résigné, à la limite de la morbidité. La lumière qui le berce met en évidence surtout l'obscurité de sa pièce de travail. Le dirigeant est représenté d'un teint verdâtre, parfois souligné par ses opposants politiques. Dans le premier tableau, les mains de l'homme expriment sa volonté, la gauche empoignant solidement le bras du fauteuil. Dans le deuxième, elles sont jointes, indiquant à la fois des doutes et une résigantion certaine, la droite gantée de noir.
Les deux tableaux ont suivi des destins bien différents. Le premier est donné en 1926 par le peintre à la délégation soviétique venue le solliciter à un autre sujet et surprise par ce geste. Il siège à l'Institution dénommée maintenant "Musée d'État central de l'Histoire contemporaine de la Russie" (anciennement "Musée de la Révolution"). Le second, longtemps propriété du Centre Harry Ransom (fonds d'archives Kerensky) à l'Université d'Austin, Texas, appartient aujourd'hui à un collectionneur privé russe.