"Je vous dis, sous le secret le plus profond, le thème de ma future peinture : Sadko est un riche hôte au fond des mers ; l'Empereur des eaux lui montre ses épouses. Le tableau est absolument fantastique, de l'architecture aux plantes et à la suite du souverain." C'est en ces mots enthousiastes que le peintre russe Ilya Efimovitch Repine décrit le thème de sa future peinture au critique d'art Vassili V. Stassov en 1874. Le thème et le style de son tableau sont inspirés par une réaction à l'impressionisme, dont il ne comprend pas l'esthétique.

 

     Le mythe russe de Sadko évoque ce pêcheur qui, par son amitié fantastique avec le roi des eaux et des mers et grâce à son habileté au gousli et à la cithare, se fait offrir d'abord la fortune, puis la main de la belle Chevarna. Sitôt le tableau terminé en 1876, il est exposé au salon de Paris, où le public le boude, puis en Russie, où il remporte un franc succès, avant d'être acheté par le futur tsar Alexandre III.

 

    Mais l'artiste se détourne finalement de son œuvre. De facture classique, le tableau représente une scène irréelle, baignée d'une lumière onirique. La beauté de Chevarna, plus suggérée que soulignée dans l'épaisseur des flots, demeure une énigme pour l'admirateur de la toile. Repine met en valeur le cortège des femmes de l'Empereur, qui, finalement, ne seront pas choisies par Sadko. Cette métaphore de la beauté cachée et de sa victoire semble la leçon morale et esthtique du peintre.

 

     L'on peut y voir également le gauchissemet des couleurs chères aux Impressionistes. Mais Répine ne semble pas avoir perçu pleinement cette interprétation de son propre jugement : "L'idée exprime ma position actuelle et, peut-être, la position de tout l'art russe jusqu'à présent." Mais le futur de la peinture appartient à la couleur.

 

     Musée Russe de Saint-Péterbourg, numéro d'inventaire 32. Photo wikipédia (article "Ilia Répine").