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中国历史
 

     L'origine de l'Histoire de la Chine (中国历史 : Zhōngguó lìshǐ) se perd dans la nuit des temps. Jusqu'à présent (2022), il semble vain de vouloir accorder ensemble les données de l'archéologie des époques néolithiqes chinoises avec les mythes et les légendes des différents chroniqueurs avant le premier millénaire avant notre ère. C'est pourquoi votre serviteur va effleurer successivement les mythes originels (1 et 2) et les apports de la recherche archéologique (3), avant d'évoquer les dynasties Shang puis Zhou, les plus anciennes attestées par l'Histoire et l'Archéologie (4 et 5), la naissance de l'Histoire (6) etc

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 1)  Mythes et légendes                            6) Naissance de l'Histoire                  11) Intronisation de la dynastie Zhou

 2)  La première dynastie Xia                   7) Invention de l'écriture                    12) D'une régence à l'autre

 3)  Archéologie de la dynastie Xia         8) L'affirmation du roi                         13) La fin de la prospérité des Zhou

 4)  Les débuts de la dynastie Shang     9) L'idéologie numérico-religieuse    14) Le règne des Hégémons

 5)  Le Néolithique en Chine                  10) La fin de la dynastie Shang           15) Les Royaumes Combattants

 

 1)  Mythes et légendes :  Le scribe n'a pas l'intention de compiler ici les différents mythes de la création du Monde ayant eu cours dans la Chine ancienne. Il se contente de mentionner, sans s'y arrêter, les mythes concurrents des trois Augustes et cinq Empereurs (三皇五帝 sān huáng wǔ), ou bien celui du souverain primordial, le Grand Empereur de Jade (玉皇大帝 : yùhuáng dàdì, souvent plus ou moins confondu avec les autres dieux primordiaux d'une mythologie taoïste) ou encore celui de Empereur Jaune (黄帝 Huáng Dì), dont on a prétendument daté le règne de 2698 à 2598 avant notre ère. Il ne mentionnera pas davantage le mythe de Pángǔ (盘古), émanation d'un Œuf primordial, duquel proviendrait toute la Création. Quelque soit le mythe, de ces temps anciens dateraient l'apparition et le premier développement de la Nature et de l'Humanité, la création de l'État, de la société et de la civilisation, de l'agriculture, de la médecine, de la forge, de l'écriture, de la religion chinoise etc.

2) La première dynastie Xia (夏朝 : xià cháo),  est sensée régner de 2205 à 1767 avant notre ère, sans pouvoir être attestée par l'archéologie. La principale source pour cette antique dynastie est le 尚書 (Shàng shū), qui n'était plus connu dès l'Antiquité que dans des versions partielles, l'édition complète ayant probablement disparue, au plus tard,  dans les destructions d'ouvrages commandées par l'Empereur Qing avant 210 avant notre ère. Dès l'époque Han, soit dans les deux derniers siècles avant notre ère, ce texte est connu dans deux versions, différentes mais non contradictoires. La critique textuelle date aujourd'hui le style du document accessible du VIIIe au IIIe siècle avant l'ère commune. D'autres sources, rares, corroborent partiellement les informations qui peuvent être extraites du Shàng shū : ainsi, les Annales de bambou (竹书纪年 : zhúshū jìnián), découvertes grâce à un pilleur de tombe royale vers 280 de notre ère, indique une succession présentée comme complète des rois de la dynasite Xia. Mais notre document ne cite pas plus que cet ordre de succession.

     Le Shàng shū, affublé d'un nouveau nom, 書經 (Shū Jīng : Classique des documents) est considéré comme ouvrage de référence malgré ses lacunes. Il devient un des Classiques que les postulants au Mandarinat devaient étudier, dès la dynastie Han. Que contient le Shū Jīng ? C'est une compilation, commentée dit-on par Confucius et l'un de ses descendants, de divers textes officiels censés dater des dynasties Xia, Shang et Zhou, c'est-à-dire de 2200 environ jusqu'à 627 avant notre ère. Le lecteur y trouve, dans une langue primitive mais dans sa disposition actuelle, cinquante-huit chapitres dont neuf (moins d'un sixième du total actuel) dateraient des Empereurs Yao, Shun et de la dynastie Xia.

     Les Empereurs de la dynastie Xia auraient régné sur un territoire comprenant une partie du Henan et du Shanxi, sur le bassin moyen du YangZi. Parmi les nombreuses capitales successives, il convient de citer GaoCheng (dont l'ancien nom est YangCheng), GongYi (dont l'ancien nom est ZhenXun), puis ShangQiu (toutes trois dans le Henan). Sima Qian admet dix-sept souverains successifs, de Yu le Grand (大禹 : DàYǔ), jusqu'à son seizième successeur, Jie (桀 : Jié). La dynastie aurait régné en tout 438 ans (de 2205 à 1767 avant notre ère), selon la chronologie traditionnellement admise en Chine, 500 ans selon une autre chronologie (qui indiquerait 2070 et 1570). Le plus long règne, 59 ans serait celui du dixième successeur de Yu, Bu Jiang (夏不降 : Xià Bù Jiàng), entre 1980 et 1921 selon la chronologie traditionnelle. Le souverain, un modèle de vertu politique selon l'Historiographie officielle, aurait abdiqué pendant la 59e année de son règne, ce qui peut être éventuellement une parabole numérologique (où le sage ne peut régner pendant 60 ans, qui un nombre sacré d'années).

3)   L'histoire de cette dynastie est globalement admise par les Historiens chinois. Mais la quasi-unicité des sources, son caractère très ancien, voire fabuleux, font que les texte connus aujourd'hui ne sont pas considérés comme historiques par une partie importante des Sinologues européens. En l'absence d'autres textes et de confirmations explicites par l'archéologie, l'histoire - voire l'existence - de cette dynastie est rejettée par eux comme légendaire.

     Pourtant, la chronologie (approximativement) et la localisation traditionnelle de cette dynastie pourrait correspondre à celle de la culture néolithique d'Erlitou (二里頭 :  èr lǐtóu). Celle-ci est connue par une centaine de sites archéologiques, entre le Henan, le Shanxi et le Hubei, le long du cours moyen du Huang Hé (Fleuve Jaune) et de deux de ses affluents directs, les rivières Fen (汾河 :  fén hé) et Luo du Henan (洛河 : luò hé, aussi dénommée YiLuo dans son cours inférieur, en partie pour éviter une confusion avec d'autres rivières chinoises homonymes). Les enseignements de la stratigraphie montrent que cette culture se répartit en cinq phases distinctes. On y voit apparaître une cité importante, deux complexes palatiaux successifs et la fonte d'objets en bronze, de facture complexe et attribués à un monopole de fabrication. Les palais et les constructions les plus riches sont bâtis sur un sol damé. Des artisanats de turquoise et de jade y sont connus.

4)  Les débuts de la dynastie Shang (商 : Shāng) Elle est connue aussi sous le nom de Yin (殷 : Yīn), est datée dans l'historiographie chinoise entre 1570 et 1045 avant notre ère. La critique textuelle du Classique des Documents et celle des Annales de Bambou nous livre une généalogie de 17 souverains (sur une trentaine de souverains connus), de Da Yi (大乙 : Dà Yǐ) à Di Xin (帝辛 : Dì Xīn). Le fait nouveau par rapport à la mythique dynastie Xia, est que les Archéologues chinois ont retrouvé en grand nombre le nom de Da Yi et de plusieurs de ses successeurs sur les oracles gravés sur des os et écailles (principalement sur des omoplates de bovins et des écailles de tortues). Aussi, l'existence réelle de ces rois et de cette dynastie n'est remise en question par aucun Historien. 

     En effet, l'archéologie de cette période et dans cette région de la Chine nous renseigne abondamment sur cette culture. Les fouilles d'Erligang (二里岗 : èr lǐ gǎng), un faubourg de la ville de Zhengzhou, dans le Henan, puis de la cité de PanLong (盘龙城 : Pán Lóng Chéng) dans la banlieue nord-est de Wuhan (province du Hubei), ont livré un très riche matériel archéologique (tombes, bronzes etc.).

    Certes, les premières constatations permettent de formuler quelques lignes directrices : la société néolithique d'Erligang connaît déjà une importante hiérarchisation, comme l'atteste le contraste entre une vingtaine de riches tombes (impressionnant mobilier de bronzes) et plusieurs centaine de tombes très sommaires (quelques poteries). La culture d'Erligang est fondamentalement agricole. Mais elle montre aussi un réseau complexe de centres urbains et le développement d'une importante économie métallurgique, ayant nécessité l'existence d'une solide organisation administrative. Dans ces conditions, que penser des récits de Sima Qian ou du Classique des Documents ?

    Pour autant, de nombreuses questions demeurent pour l'instant sans réponse. Quel fut le lien éventuel avec les cultures du bronze du sud de la Sibérie ? Que nous cachent encore les sites de ZhengZhou, difficiles à explorer du fait de l'urbanisme de cette ville ? Quelle fut l'extension de cette culture et faut-il réécrire le récit de l'évolution archéologique depuis les riches découvertes de DaYangZhou (大洋洲 : DàYángZhōu) ? Autant de questions auxquelles il est difficile de répondre aujourd'hui.

5)  La comparaison avec les autres cultures néolithiques en Chine. Elle montre que celle d'Erlitou était l'une d'entre elle, mais pas la seule. Les relations précises de la culture d'Erlitou avec les cultures néolithiques de Longshan (龙山 : LóngShān, antérieures sur tout le cours du YangZi) et celle d'Erligang, qui lui succède, sont encore l'objet de multiples débats. Durant la période comprise entre la fin de la dynastie Shang et le début de la dynastie Zhou, ces régions recouvrent le bassin moyen du Fleuve Jaune, sur les plaines que surplombent le Plateau de loess (黃土高原 : HuángTǔ GāoYuán) et les Monts Taihang (太行山 : TàiHáng Shān) à l'ouest et au nord. Les autres régions de la Chine connaissent alors d'autres développements. Les Préhistoriens ne comptent pas moins de six autres cultures, néolithiques tardives ou de l'âge du bronze, actives sur l'étendu de l'espace chinois actuel.

     Entre 2000 et 1000 avant notre ère, plusieurs cultures du nord de la Chine adoptent les nouvelle techniques de la fabrication du bronze, originaires de la culture sibérienne d'Andronovo : d'ouest en est, on compte celle du XinJiang oriental, celles de Siba, de Qijia et de Zhukaigou en Mongolie-Intérieure, pour la dernière jusqu'au cours supérieur du Fleuve Jaune. Le même processus se produit pour la culture de Xiadiajian inférieur, au nord de Pékin.

     Au centre de la Chine, dans le Sichuan, la culture de Sanxindui (三星堆  : SānXīng Duī) développe une autre technique du bronze, avec laquelle sont produites des masques ou de gigantesques statues. Cette culture est aussi experte dans les productions de fonte, ou d'objets en jade, en or, en ivoire... Entre Sanxindui et le nouveau site de Jinsha, toujours dans le Sichuan, l'on dénombre plus de 13 000 objets récemment retrouvés, tous matériaux confondus. Leur analyse est en cours et l'on ne peut pas encore, à ce jour (fin 2022), en produire une synthèse archéologique ni historique.

     Car si la culture impériale et l'écriture chinoise sont nées de la culture d'Erligang et d'AnYang, il ne nous est plus possible aujourd'hui de faire la part des choses en ce qui concerne les autres constituants de la culture chinoise historique et contemporaine.

6) Naissance de l'Histoire : À la suite de la culture d'Erlignang, il nous faut encore attendre l'époque tardive de la culture d'AnYang (安阳 : Ān Yáng), du roi Wu Ding (武丁 : Wǔ Dīng) et de son énergique épouse Fu Hao (妇好 : Fù Hǎo), vers 1250 environ, pour commencer à percevoir une convergence entre les enseignements de l'archéologie, notamment ceux des ossécailles et les écrits traditionnels. Encore que les témoignages de l'archéologie (ceux, entre autres, des deux tombes royales de ces deux personnages et des ossécailles) corrigent singulièrement les écrits transmis par les Mandarins, comme par exemple l'importance déterminante du rôle sacrificiel ou militaire de la reine : l'Histoire de la Chine commence avec le règne d'une reine qui pratique les sacrifices au nom de son époux le roi et qui commande à la guerre à la tête de 600 soldates et de 13 000 soldats... 

 

     À partir du règne de Wu Ding et du site d'AnYang, il est possible de coupler les résultats des recherches arché-ologiques avec les témoignages littéraires. Certes, la culture d'AnYang n'est que l'une des civilisations, parmi bien d'autres, qui ont vu le jour en Chine à cette époque. Mais la tradition littéraire fait que les documents et les récits des dynasties Shang et Zhou deviennent ceux de l'Histoire de la Chine, assumés comme tels à partir des Han et de l'historiographie officielle compilée dès les travaux de Sima Qian. À cette première restriction, s'en ajoute une autre : la nette différence de traitement entre la période qui va du XIIIe siècle à 841 avant notre ère, que Sima Qian n'a pas pu traiter en toute rigueur du fait des lacunes de sa documentation, avec celle qui débute par cette année-là, à partir de la régence de Gong He, où l'Historiographe débute un récit chronologique suivi et complet pour le royaume Zhou. 

   Les quatre premiers siècles de la dynastie Shang, nous l'avons déjà exprimé, sont caractérisés par deux phénomènes principaux : l'émergence d'une souveraineté forte autour de la lignée royale et l'apparition de l'écriture.

 

7)   Invention de l'écriture Elle semble apparaître soudainement pour des consultations oraculaires sous le règne de Shang Wu Ding (autour de 1250 avant notre ère) : tel est le constat de l'archéologie. Mais ces affirmations posent au moins trois questions.

       Primo, cette apparition serait soudaine. Aucun archéologue n'a jamais rien trouvé d'autre qui ressemblerait à cette écriture ou a une autre ni pendant ce règne, ni avant. De deux choses l'une : ou bien cette écriture se manifeste entièrement du premier coup, fruit d'une invention étonnante et géniale, mais peu probable, ou bien, elle est le seul élément subsistant d'un système développé sur des matériaux périssables, disparus depuis longtemps par destruction naturelle du support. Dans ce dernier cas, tout est possible : longue maturation d'un système scriptural aujourd'hui perdu, archives détruites etc. Quoi qu'il en soit, cette écriture idéogramme transcrit parfaitement la langue qu'elle note. Elle ne semble pas plus ou moins mal adaptée d'une langue et d'une écriture étrangère. Bien sûr, l'on a repéré des symboles, parfois antérieurs de plusieurs millénaires (sur des sites néolithiques de la culture de YangShao, datant au plus tard de 3000 avant notre ère), parfois beaucoup plus récents (pictogrammes en colonnes datant de la culture de LongShan, datant entre 2900 et 1900), mais aucune filiation entre ces différents symboles n'ont pu être reconnus et rien n'existe d'autre.

     Deuzio, cette écriture ne sert alors qu'à noter les résultats d'oracles sur os ou écailles. Sauf à reprendre l'hypothèse développée ci-dessus de supports disparus, elle ne sert d'abord qu'à noter ces oracles. Cette attitude est radicalement différente de celle constatée par exemple en Mésopotamie au troisième millénaire : elle n'est pas destinée à noter des relations entre les humains ni à conserver une quelconque comptabilité de biens tangibles. 

      Tertio, elle apparaît dans le royaume Shang autour de 1250, nulle part ailleurs sur l'étendue future de la Chine, La quasi totalité des écritures ont été trouvées à AnYang, quelques rares exemplaires comparables à DaXinShuang (dans le Shandong).

      Il faut donc bien admettre que l'écriture chinoise a été inventée durant le règne de Shang Wu Ding, à AnYang, autour de l'an 1250. Si d'autres découvertes venaient à être mises à jour, il faudrait bien sûr modifier cette conclusion. Mais en l'état actuel des connaissances, elle est la plus crédible.

     L'on compte à ce jour 200 000 inscriptions sur os ou sur écailles, datant de ce règne. Toutes ces inscriptions utilisent ensemble 5 000 caractères tout au plus, dont 2 000 sont lus aujourd'hui. L'expression la plus spectaculaire reste la divination sur écaille de tortue, après combustion de la carapace. Les sujets sont peu nombreux : événements ou oracles se rapportant à la famille du roi, aux rituels à accomplir, aux expéditions militaires et tributs encaissés, aux temps et aux récoltes. Il s'agit donc toujours de célébrer ou de vérifier l'accomplissement du mandat du Ciel, supposé bienveillant vis-à-vis du roi ou de ses parents, amis ou serviteurs les plus proches. Tout se passe donc comme si Shang Wu Ding voulait célébrer ou prouver la bonne entente entre le Ciel et lui : les différentes phases de l'écriture de ces oracles sont, en effet, la mention des intervenants, la question posée aux divinités, la réponse oraculaire et, sans que cette dernière étape soit systématique, la conformité - ou non - des faits ultérieurs aux prédictions. Il est donc possible que la conservation de ces oracles soit due à une attitude "positive", en ce sens qu'ils sont parvenus jusqu'à nous simplement parce qu'ils devaient être vérifiés par le cours des événements à venir.

     Le fait est que de cet usage exclusivement politico-religieux, est née l'écriture chinoise qui, après presque 3_300 ans, garde la même structure, indépendamment du changement de finalité de l'acte technique de l'écriture et des inévitables évolutions.

8)   L'affirmation du  roi (王 : wáng) Membre éminent de la lignée royale descendante d'un même ancêtre (祖 : zǔ), il dispose du mandat céleste (天命 : tiān mìng), c'est-à-dire de l'accord des divinités pour gouverner le pays. Celui-ci est déjà le centre de la terre (中 : zhōng). C'est le cœur de la monarchie Shang, région sous l'administration directe des fonctionnaires du roi. Elle est qualifiée de "service interne". L'armée royale la contrôle en permanence et s'y approvisionne directement.

   Au delà de ce premier cercle, s'étend un deuxième cercle du pouvoir Shang, désigné sous le nom les quatre pays (四土: sì tǔ) ; c'est le "service externe", qui reste sous souveraineté Shang, regroupant divers pays dirigés par des grands vassaux (princes de la famille royale élargie ou nobles de grands lignages reconnaissant la souveraineté du roi). Ils portent des titres de hóu (候) ou de bó (伯), que l'on traduit en français respectivement par "marquis" et par "comtes". À la tête de leurs propres troupes et de leurs propres territoires, ils doivent au roi des prestations militaires, sont reconnus comme des dignitaires du royaume, peuvent occuper certains postes dans son administration, bénéficient de l'accord, de l'aide et du soutien du roi (notamment en matière religieuse et militaire). Les liens qui unissent ces dignitaires au roi sont complexes, englobant aussi bien des questions religieuses, militaires, d'activités de chasse, administratives etc

     Au delà du "service externe", s'étend une zone plus ou moins vaste, susceptible de s'étendre bien plus loin, où s'exercent des influences commerciales et culturelles parfois très prégnantes. Mais la cartographie de ces trois ensembles ("service interne", "service externe" dite des "quatre terres" et zone d'influence) sont difficiles à cartographier, autant du fait des preuves matérielles à trouver localement (traces archéologiques) que de leurs fluctuations durant les différents règnes de la dynastie.

9)    Avec l'invention de l'écriture, la royauté shang transcrit également son idéologie numérico-religieuse, morale et politique. L'un des chapitres du Classique des Documents, le Hong Fan (洪範 : Hóng Fàn), est un court traité de numérologie, où chacun des nombres de un à neuf sert à classer les éléments et les vertus. Le titre, Hong Fan, peut être traduit par Loi fondamentale. Le texte lui même est réparti en douze paragraphes plus ou moins courts, lesquels sont deux paragraphes d'introduction, les paragraphes destinés à des explicitations des nombres 1 à 9 et à la fin un court envoi circonstancié. 

     À chaque numéro, correspond l'un des cinq éléments de la cosmologie chinoise traditionnelle (eau, feu, bois, métal, terre), les aptitudes et les sens, les goûts et les humeurs, les nécessités de la vie individuelle et sociale, les catégories de la politique, les catégories du temps et de l'astronomie, celles de la morale individuelle et sociale, les règles d'interprétation pour la divination et la bénédiction.

     Le Hong Fan est peut-être le tout premier écrit de la pensée chinoise, après les oracles mentionnés ci-dessus.

   Il existe bien d'autres aspects de cette Histoire, que les fouilles archéologiques ou l'étude des premiers textes permettent d'étudier. De la disparition des sacrifices humains tout au long du premier millénaire avant notre ère à l'évolution des arts du bronze, de la naissance des grands courants de la philosophie chinoise (confucianisme et taoïsme) au premier développement des sciences et des techniques, il n'est pas possible de tout aborder ici. Le scribe se limite volontairement aux aspects présentés ci-dessus, avant de continuer à évoquer la suite des grands épisodes de l'Histoire chinoise.

10)  La fin de la dynastie Shang Sur six générations, huit descendants de Shang Wu Ding lui succèdent. Peu de choses remarquables furent accomplies par eux. L'on note que c'est sous le règne de Shang Wu Yi (商武乙-: Shāng Wǔ Yǐ) que le roi des Zhou (周), dénommé Ji (季), développe les forces de son royaume. Il attaque et soumet successivement le royaume de YiQu (义渠) et le peuple barbare Rong (戎), qu'il défait plusieurs fois. Selon de vieilles annales, lacunaires, celui-ci se serait présenté au roi Wu Yi, pour lui rendre hommage, recevant du roi Shang (qui en avait peur) des terres, 30 pièces de jade et 10 chevaux. Cette cérémonie se déroule durant la 34e année de règne de Wu Yi, date que de nombreux Sinologues fixent à 1118 avant notre ère. Le roi Ji des Zhou continue avec succès ses expéditions contre les Rong durant le règne suivant, de Shang Tai Ding (商太丁 :  Shāng Tài Dīng). Ce dernier le couvre de cadeaux, lui confie une mission où il le fait exécuter. L'archéologie du royaume Shang montre en parallèle son rétrécissement et sa paupérisation (un exemple parmi d'autres, ils ne peuvent plus produire les objets rituels en  bronze et utilisent à la place des artefacts en argile).

     Selon les sources subsistantes, les derniers rois Shang "perdirent le mandat du Ciel" pour cause de leur impiétés et leurs cruautés : Wu Yi tourne en ridicule le culte du Dieu du Ciel et meurt foudroyé à la chasse pour ses sacrilèges, son petit-fils, le roi Shang Di Yi, qui était pourtant doué d'immenses qualités, se pervertit avec son épouse et prenait un plaisir sadique au spectacle d'effroyables tortures de ses sujets. Aux yeux des chroniqueurs ultérieurs, cette dépravation morale entraîna finalement l'abandon de cette dynastie par le Ciel et son renversement par le petit-fils de Jili, qui devient le roi Zhou Wu Wang (周武王 : Zhōu Wŭ Wáng), le premier de la nouvelle dynastie, les Zhou.

11)  Intronisation de la dynastie Zhou Le roi des Zhou, Ji Fa (姬发 :  Jī Fā), vassal des Shang, profite d'une expédition massive des Shang dans les marches orientales de son domaine, pour fédérer une importantes armée de vassaux mécontents et livre au roi Shang Di Yi la bataille de Muye (牧野之戰 : Mùyě zhī zhàn). La victoire des vassaux coalisés entraîne le suicide du roi défait, par le feu. Ji Fa devient le nouveau souverain, se choisit le nom martial de Wu Roi des Zhou (周武王 : Zhōu Wŭ Wáng) et fonde la dynastie Zhou.

     Bien que cette bataille soit capitale pour l'Histoire de la Chine, de nombreuses incertitudes entourent sa mémoire. De nombreuses dates ont été proposées en équivalent julien : entre 1130 et 1018. Des indications d'ordre astronomique ou astrologique incitent à proposer une date autour de janvier 1046, à laquelle le scribe se rallie, en attendant d'éventuelles déterminations futures mieux fondées. Diverses traditions littéraires ont gonflé considérablement les effectifs des deux armées : 530 000 hommes pour le roi Shang, dont 170 000 esclaves qui changent de bord durant la bataille (soit des effectifs considérés comme huit à dix fois plus élevés que ceux aujourd'hui admis), les Zhou et leurs partisans auraient regroupé les armées de 800 ducs selon certaines sources (encore faudrait-il s'entendre sur la signification de ce titre), de 45 000 fantassins et de 300 chars selon d'autres.

     Le seul enseignement sûr que l'on puisse extraire de ces récits divergents reste la victoire du roi Zhou et les profondes réformes religieuses, politiques et sociales du nouveau souverain : interdiction des sacrifices humains, changement de panthéon "impérial", nouveaux développements du concept idéologique du "mandat du ciel", notamment par la notion de "changement de mandat" (盖命 : gě mìng) en vue de légitimer le nouveau pouvoir.

12)   D'une régence à l'autre (~ 1043 - 841) Zhou Wu Wang meurt dans sa troisième année de règne (vers 1043 ?), avec pour successeur un enfant, Ji Song, trop jeune pour exercer personnellement le pouvoir royal. Des dissensions éclatent entre les frères du roi défunt, opposant d'une part le Duc de Zhou, soutien de son neveu et de la nouvelle dynastie, d'autre part les autres frères du feu roi auxquels se rallie l'héritier des Shang.

     Après avoir tenté de s'entendre avec ses frères, Dan, le Duc de Zhou, 周公旦 (Zhōu Gōng Dàn) se trouve face à l'alternative de laisser le pouvoir à ses frères révoltés (Les "Trois Gardes") et leurs alliés Shang, ou d'exercer pour lui-même la Régence au bénéfice de son neveu, l'héritier désigné. Ces deux dynastes décident finalement de mater la révolte, combinée à l'agitation du peuple. Finalement, le Duc de Zhou vainc les révoltés, les tue ou les neutralise, conquiert de nombreux territoires orientaux (dont la ville de 殷 : Yīn), poursuit ses opérations militaires jusqu'à la Mer Jaune (comme avec la conquête de l'État de 浦姑 : Pǔgū). Il en résulte que la dynastie Zhou en ressort considérablement renforcée.

       Outre ces conquêtes, le Duc de Zhou organise une restructuration complète de la société. Le système social élaboré par le Duc de Zhou, le FengJian (封建 : Fēngjiàn, c'est-à-dire littéralement accomplissement et institution) est qualifié, dans les langues européennes et du point de vue marxiste, de féodalité. Cette traduction est partiellement fondée, mais également abusive pour cette époque. Le principe fondateur de cette organisation est l'affirmation d'une hiérarchie sociale, où le Souverain, Fils du Ciel (天子 : TiānZǐ) commande à cinq ordres de la noblesse (五等爵位 : WǔDěngJuéWèi, soit, du plus recherché au moins élevé, 公 - Gōng, 侯 - Hóu, 伯 - Bó, 子 - Zǐ et 男 - Nán) et quatre classes populaires (四民 : Sì mín) qui sont celles des soldats et archers (士 : Shī), des fermiers et laboureurs (农-: Nóng), des artisans (工 : Gōng) et des marchands et des hommes d'affaires (商: Shāng). L'état de Chu (楚 : Chǔ), état vassal au sud de l'État Zhou (donc au centre des frontières actuelles de la Chine), possède un système nobiliaire distinct, lié à un service militaire ou civil, où la noblesse, en principe, n'est pas héréditaire.

     Dans les transcriptions européennes, les titulaires des cinq ordres de la noblesse sont transcrits comme Ducs, Marquis, Comtes, Vicomtes et Barons, mais cette traduction facile est erronée et source de bien des confusions. Ainsi, dans l'État Zhou, le titre de Gōng (公) est la plupart du temps conféré à un descendant de roi ou de prince (王) et plus tard d'empereur, à qui est confié un fief ; après lui, fief et titre sont transmis à l'un de ses fils. Un titre de Gōng peut aussi être donné à un roi survivant par son vainqueur, avec le fief qu'il lui accorde. Un roi ou un prince (王) peut également porter le titre de Gōng, sans fief attribué. Conviendrait-il de le traduire par Sire ou Monseigneur ? Le titre de Hóu se rapproche de celui initial de Marquis ou de Margrave : il possède un fief et des compétences militaires associées, parfois aux confins de l'Empire, mais relève d'un ordre de noblesse moins prestigieux que Gōng. Le titre de Bó rappelle la notion de chef, de capitaine ou d'ancien. Le titre de Zǐ est complètement étranger au titre occidental de vicomte. Initialement, il signifie fils, un peu comme le nom espagnol Hidalgo : Hijo de algo, soit "fils de quelque chose". Avec le temps, il qualifie une reconnaissance sociale ou académique, que l'on peut traduire par Maître, comme pour Confucius, en réalité KongZi, ou LaoTseu, c'est-à-dire LaoZi et leurs descendants. Le titre de Nán correspondrait plus ou moins à celui de Sieur, tel qu'on l'entendait en France sous l'Ancien Régime.

     Les quatre classes populaires correspondent en théorie aux quatre fonctions économiques du peuple. En pratique, il semblerait que personne ne sache plus, ni en Chine ni en Europe, à quoi ces distinctions corres-pondaient à telle époque ou à telle autre. Quelques notions semblent toutefois se dégager, à peu près sûres : ces catégorisations étaient viagères, voire même susceptibles d'évoluer avec le temps. Il n'y a pas de hiérarchie entre elles et l'ordre de préférence évolue en fonction des choix des auteurs qui en parlent. Enfin, le nom de la catégorie Shī est finalement appliquée aux érudits et aux Lettrés qui ne sont pas agrégés à la noblesse (comme en français notre nom de bachelier vient de la contraction de bas-chevalier). Au moins à partir de l'Empire Han, tout Chinois peut prétendre à la reconnaissance de Lettré et peut passer les concours donnant accès au Mandarinat. 

     Il ressort des paragraphes ci-dessus que les catégories sociales ou juridiques définies par les Zhou (les cinq ordres de noblesse et les quatre classes populaires) ont dû changer considérablement entre l'an mil avant notre ère et l'époque des Han (à partir de 200 avant notre ère). Ce changement, pour beaucoup responsable de nos ignorances, est le révélateur d'une immense révolution socio-économique. Mais malgré les compilations considérables de l'Historiographie chinoise, il semble difficile pour l'instant de la préciser davantage.

     L'instauration de "Duchés" et de Marches dans de nouveaux territoires permet un temps à la dynastie Zhou d'étendre son pouvoir. Après le règne de Zhou Wu Wang, son fils 周成王 (Zhōu Chéng Wáng) puis son petit-fils 周康王 (Zhōu Kāng Wáng) profitent de la double impulsion du roi Wu et du Duc de Zhou, colonisant successivement toutes les plaines de la Chine centrale, vers l'est et le nord. Mais le quatrième roi de la dynastie, 周昭王 (Zhōu Zhāo Wáng) voit son pouvoir fragilisé par la montée en puissance de ces "Ducs" et Marquis, voit également la richesse et le progrès économique qu'il pourrait tirer de la conquêtes de la confédération amie des 楚 (Chǔ), au sud de son royaume, de ses riches mines des régions du YangZi. Mais une première conquête ne lui permet pas de s'imposer dans ce pays. La deuxième campagne est un désastre. Il trouve la mort en se noyant durant sa retraite (vers 957 avant notre ère). Son fils et successeur, 周穆王(Zhōu Mù Wáng) arrive à stabiliser la conquête d'une partie du territoire Chu (autour du fleuve YangZi et de la rivière Han He). Ce roi arrivé au pouvoir à cinquante ans, règnant cinquante-cinq ans, mort à cent cinq ans, est par ses conquêtes le plus puissant de sa dynastie. Irrascible et orgueilleux, il veut exercer concrètement sa royauté sur toute la terre sous le Ciel (天下 : tiān xià). C'est de lui que daterait la première extension de la Chine à l'ouest (à l'époque, par une Marche dans le XinJiang, contre les Tokhariens du Pamir). Après son fils et successeur 周共王 ( Zhōu Gòng Wáng), la dynastie est épuisée à l'intérieur par la puissance des nobles héréditaires, à l'extérieur par l'effort démeusuré datant de Zhou Mu Wang. De plus, la personnalité des derniers rois paraît singulièrement assombrie (mais c'est peut-être une erreur d'évaluation due à des Chroniqueurs peu cléments). 

     Quoi qu'il en soit, au milieu du VIIIe siècle, Zhou Li Wang (周厲王 : Zhōu Lì Wáng), intronisé en 878, est chassé du pouvoir en 841 par une révolution. La Cour du roi réussit à cacher le roi, qui s'exile et son fils, qui est distrait de la rage du peuple. Une Régence est organisée, dirigée par le "comte" Gòng Hé (共和). L'interrègne dure jusqu'en 828 (soit treize ans). 

     Quelle fut la nature de cette révolution ? Plusieurs Historiens chinois (à savoir 范文, 郭沫若, 楊寬 : Fàn Wén Lán, Guō Mò Ruò et Yáng Kuān) défendent le point de vue selon lequel les émeutiers sont issus de la population de la capitale et que cette Révolution est née d'une révolte des classes inférieures (artisans et marchands) contre le règne dictatorial du roi et des élites. Une autre vision de ces faits est défendue par d'autres érudits (郝鐵川, 何凡, 楊東 : Hǎo Tiě Chuān, Hé Fán et Yáng Dōng Chén) : ils estiment que cette révolte se limite à une révolution de palais. Les quelques récentes découvertes archéologiques, intéressantes du point de vue de la chronologie et du système de gouvernement (Gong He est à la tête d'un gouvernement), ne permettent pas de trancher sur la nature exacte du soulèvement de 841. L'on remarquera que les deux visions de ces événements ne sont pas strictement contradictoires, en ce sens qu'une révolte populaire peut être captée et détournée par une révolution de palais.

     Enfin, la chronologie détaillée compilée par Sima Qian débute en 841. Avant, bien des informations manquent aux Historiens. À partir de 841 et la Régence de Gong He, les faits politiques, diplomatiques et les affaires de la Cour sont établis en détail par le Grand Historien puis par ses successeurs.

13)  La fin de la prospérité des Zhou (841 - 771) Les deux règnes suivants montrent à l'envie la médiocrité (avec le roi Xuan) et la déchéance (avec son fils le roi You) dans laquelle sombre la dynastie Zhou, autrefois glorieuse. Les enfantillages de ce dernier, ses erreurs politiques invraissemblables, comme la répudiation de sa première épouse et la haine tenace de son ex-beau-père (le marquis de Shēn), amène à l'attaque, au pillage et à l'incendie de la capitale Hào (​鎬). Le roi You, abandonné de tous ses vassaux, meurt au combat à la bataille du mont Lí (驪山之戰), en 771. Cette bataille met un terme à l'épopée glorieuse des Zhou. Cette date est considérée unanimement comme le début de l'ère des Printemps et Automnes (春秋 : Chūn Qiū, dénommée ainsi à cause du titre des Chroniques qui en relatent l'Histoire).

     De cette période des Zhou, datent d'importantes réformes religieuses : les anciens cultes remontant aux rois Shang finissent par disparaître. Des temples dynastiques sont édifiés, qui seront entretenus et gardés en activité durant de nombreux siècles. C'est également dans ces temps que se développent les considérations idéologiques (philosophiques et morales) qui seront ultérieurement codifiées par KongZi (Confucius).

14)  La Période des Printemps et Automnes et le règne des Hégémons (771 ~ 450) Cette période de trois cent vingt ans environ est marquée par d'importants contrastes : en politique, la dynastie Zhou, subsistante dans sa capitale de Luoyang (洛阳 : LuòYáng), vit d'une activité restreinte, se bornant à une souveraineté théorique. Dans les grandes principautés environnantes, les seigneurs cherchent à tour de rôle à exercer une hégémonie sur diverses parties du pays Zhou, sans parvenir ni à conquérir l'ensemble de l'empire Zhou, ni à remplacer la dynastie moribonde. Parmi une myriade de petits états, de dix à quinze principautés jouent un rôle important, sept cherchent à s'imposer en vain, successivement. Dans le même temps, les arts et les sciences fleurissent, la philosophie chinoise vit une véritable apothéose avec l'époque des "Cent Écoles" puis celle d'une mutation amenée à perdurer plusieurs millénaires avec les œuvres et les écoles de KongZi (plus connu en Europe sur le nom de Confucius) et de LaoZi (dénommé autrefois en France Lao Tseu, selon les règles de transcription de l'École Française d'Extrême Orient). 

     Sur une période de 242 années (entre 722 et 481, prise sur les 320 environ de l'Histoire totale des temps des Printemps et Automnes), Sima Qian a compté l'assassinat de 36 monarques (soit par des particuliers soit durant les conflits "féodaux"), la destruction de 52 états vassaux, plus de 450 nominations ou alliances "féodales" de première ampleur, 480 guerres ou conflits armés... (toutes ces données ont été collectées par Sima Qian lui-même dans la Préface du Taisigong太史公自序). Ce n'est évidemment pas le lieu ici de détailler chacun de ces événements. Une présentation synthétique de la période des Printemps et Automnes, en termes politiques et militaires, permet de préciser trois époques.

     La première est caractérisée par l'affaiblissement de la royauté Zhou à la nouvelle Cour de ChengZhou (成周 : ChéngZhōu, aujourd'hui Luoyang ou 洛阳, soit LuòYáng). Elle est caractérisée par le conflit croissant entre le roi Zhou Huan (周桓王 : Zhōu Húan Wáng) et le duc Zhuan de Zheng (鄭莊公 : Zhèng Zhuāng Gōng). Cet affrontement, commence banalement par des tracasseries portant sur des questions d'étiquette et de protocoles, puis s'amplifie sur un contentieux à fondement juridique et religieux (relatif aux élevages de taureaux élevés en vue des sacrifices royaux, de 717 à 715). L'affrontement va ultérieurement dégénérer au point que le roi Zhou Huan lance une expédition militaire contre le duc Zhuan en 707. Mais cette action se retourne contre le roi, défait et blessé durant la bataille de Xuge (繻葛之战 : Xū Gé Zhī Zhàn). Le duc, désormais, en impose au roi, à la Cour et aux aristocrates des autres régions du royaume, jusqu'à ce que son décès déclenche une guerre de succession entre ses onze fils (de 701 à 680).

     Mais l'affaiblissement du prestige royal durant la guerre de 707 introduit directement à la période suivante, caractérisée par la nomination par le roi d'un hégémon, lequel est nominativement chargé de garantir la cohésion de l'État et le maintien de la royauté contre un hommage au roi. La force de l'hégémon résulte des liens d'hommages que lui-même conclut avec ses propres vassaux. Là, se développe le cœur authentiquement féodal de ce système de gouvernement, comparable en tous points à la féodalité du Moyen-Âge européen. Cette époque est connue sous le nom de "période des cinq hégémons" (五霸 :  wǔ bà). Ces cinq aristocrates s'imposent à l'état Zhou de manière légèrement discontinue de 667 à 591, mais il reste d'usage de dater la période à partir de 685 (époque de la prise du pouvoir par le premier d'entre eux sur son propre duché, avant l'hommage au roi).

     Les cinq hégémons sont dans l'ordre chronologique : le duc Huan de Qi (齐桓公 : Qí Huán Gōng) de 667 à 643, le duc Xian de Song (宋襄公 :  Sòng Xiāng Gōng) de 643 à 637, le duc Wen de Jin (晋文公 : Jìn Wén Gōng), de 636 à 628, le duc Mu de Qing (秦穆公 : Qín Mù Gōng) de 628 à 621 et, après un "interrègne" de près de huit ans, le roi Zhuang de Chu (楚莊王 : Chǔ Zhuāng Wáng) de 613 à 591. 

     Le recours aux hégémons reprit à deux autres moments de la période des Printemps et des Automnes. Voilà pourquoi, le nom de certains hégémons ultérieurs figurent parfois dans des listes alternatives. Nous y revenons ci-dessous.

     Les principaux mérites des hégémons sont tout d'abord de défendre le royaume Zhou contre les invasions par des puissances étrangères (sous l'hégémonie des ducs Huan de Qi ou Wen de Jin, à la bataille de ChengPu en 632 contre le royaume Chu). Les années qui suivent voient l'apothéose temporaire du duché de Jin, finalement marginalisé puis divisé à la suite de l'effet cumulé de nombreux déboires (dont la montée en puissance des Qin, les effets désastreux d'une minorité, l'agitation et le renforcement des lignées vassales des Jin). L'on remarquera également l'exceptionnel agrandissement de son duché particulier par le duc Mu de Qin durant son hégémonie. Finalement, le rôle incontournable du royaume Chu est sanctionné par l'accès de son roi Zhuang à la qualité d'hégémon du roi de Zhou. Zhuang est notamment connu pour deux faits : avoir tenté en vain d'évincer le roi Ding de Zhou dans la reconnaissance du Mandat du Ciel, mais aussi d'avoir entrepris de grands travaux hydrauliques (barrages et réservoirs).

15) Les Royaumes Combattants et l'émergence du Royaume Qin

 L'évolution de la féodalité du royaume Zhou dans le dernier quart du VIe siècle avant l'ère commune peut être schématisée par quelques lignes de forces. La lignée théoriquement souveraine des Zhou, encore subsistante, reste complètement marginalisée. Un recours tardif aux système des hégémons est encore tenté entre 514 et 475 (au bénéfice temporaire des rois de Wu et de Yue). L'ancienne puissance Jin disparaît définitivement après la partition de l'ancien duché en six entités, qui à la suite de multiples guerres internes se restructure en quatre puis trois fiefs, qualifiés de marquisats en 403 (Han, Zhao et Wei). De leur coté, les rois de Chu (au sud des entités Zhou) et les ducs de Qin (à l'ouest) se maintiennent ou développent leur influence.

     Dans ce dernier état, à partir de 359, la réforme de Shang Yang (商鞅 : ShāngYāng), modernise profondément la structure du duché. Les principaux moteurs de cette lourde réforme sont la disparition du pouvoir des lignages aristocratiques (disparition des fiefs au profit des districts administratifs dénommés xian) et la disparition des familles élargies (deux hommes adultes, même père et fils ou frères ne peuvent plus habiter le même foyer fiscal sous peine du doublement de l'impôt), la marchandisation de la propriété foncière (notamment agricole), le développement de toutes les solidarités locales (impôts, entraides, responsabilités collectives, justice interne) et le développement scientifique et technique (abandon de la pierre et de l'os pour les instruments agricoles au profit du fer, irrigation) etc. Le résultat de ces réformes très impopulaires dans tous les milieux traditionnels (noblesse et patriarcat) est un rapide développement de la puissance économique et militaire du duché. 

     La conséquence politique de cet essor est la rapide conquête et assimilation des seigneuries de tout le territoire zhou ou chu : le duc Qin, auto-promu au rang de roi comme cinq autres ducs ou marquis (Han, Zhao, Wei, Qi, Yang) avant la fin du IVe siècle, conquiert l'ensemble des royaumes zhou et chu en cent vingt huit ans.  Cette conquête prend un tournant majeur en 262 lors de la bataille décisive de ZhangPing (长平 : ZhǎngPíng) contre le royaume Zhao. Le roi Qin ZhaoXiang (秦昭襄王:  Qín ZhāoXiāng Wáng) décide d'annexer à son royaume la région de Shangdang, qui pourrait devenir une base avancée contre le royaume Zhao. Inévitablement, la guerre éclate entre les deux royaumes. L'armée Qin de 550 000 hommes attaque l'armée de Zhao et ses 450 000 soldats. Les deux armées prennent chacune la base arrière de l'autre, mais l'armée Zhao se laisse assiéger par l'armée Qin.  Après 46  jours de siège et deux tentatives infructueuses de sortie, les Zhao se rendent. La légende veut que le général Qin, Bao Qi n'accorde la vie sauve qu'aux 240 guerriers Zhao les plus jeunes, exécutant tous les soldats survivants de l'adversaire (enterrés vivants). Les pertes se chiffreraient en tout (combats et exécutions) à 250 000 morts coté Qin, à 450-000 coté Zhao (la totalité de l'effectif moins les 240 graciés).

     Le souverain Qin annexe l'antique royauté Zhou en 256. Son dernier roi fantoche est renversé en 249, sans qu'aucun autre roi ne s'en soucie ou n'ose intervenir. À la fin de ces conquêtes, en 221, le souverain Qin Zheng Wang (秦政王) devient l'Empereur Qin Shi Huang (秦始皇帝 : Qín Shǐ Huáng Dì), combinant les titres 皇 et 帝 (Dì Empereur et Huáng Auguste) de la vieille idéologie des temps mythiques, antérieurs aux Xià. La Chine impériale est née.

     Les périodes des Printemps et des Automnes puis des Royaumes Combattants forment ensemble une époque capitale aussi dans l'histoire de la pensée chinoise : dans les royaumes de Zhou et de Chu, dans le duché de Qi et dans d'autres états, elle voit l'éclosion de "cent écoles de philosophie". Le nombre, bien sûr, est allégorique. Sima Qian en liste les six principales dans son ShiJi : le Confucianisme (儒家 : RúJiā), le Légalisme (法家 : FǎJiā), le Taoïsme (道家 : DàoJiā), le Mohisme (墨家 : MòJiā), le Nominalisme (名家 : MíngJiā) et l'École du Yin-Yang (阴阳家 : YīnYángJiā). Le HanShu (le Livre des Han) en cite en plus trois autres datant de la même époque : l'École diplomatique (纵横家 : ZòngHéng jiā), l'École Agrarienne (农家 : nóngjiā) et l'École Syncrétiste (雜家 : zájiā). Il conviendrait d'en lister d'autres encore : une école individualiste de YangZhu (杨朱 : Yáng Zhū), d'y rajouter l'école des Stratèges (illustrée notamment par SunZi - 孙子, autrement connu sous le nom de SunTzu et SunBin - 孙膑), l'école des Médecins (方技家 : Fāng Jì Jiā) et bien d'autres... De toute cette variété d'écoles philosophiques, les deux principales connues et pratiquées encore aujourd'hui sont le confucianisme et le taoïsme, en tenant compte de ce que ces deux courants ont intégré de nombreux apports de ceux qui ont nommément disparu (comme le taoïsme avec l'école naturaliste ou alchimique, entre autres).

     Cette extraordinaire floraison culturelle ne s'illustre pas seulement par la multiplicité des Écoles de Philo-sophie. Vers le milieu du IVe siècle, le seigneur de Qi (Qi Huan Gong ou sinon son fils Qi Wei Wang) fonde l'Académie JiXia (稷下学宫 : JìXià XuéGōng), qui héberge et pensionne, à titre temporaire ou viager, de nombreux  philosophes dans les multiples écoles de pensée. Le plus connu en Europe est Mencius (MenZi), mais tout connaisseur de l'histoire de la philosophie chinoise pourrait en citer des dizaines. L'académie fut fermée en 221 à la conquête Qin de ce royaume.

     L'essor intellectuel n'est pas seulement philosophique comme en témoigne la somme immense des notices que contient la version originale du YiWenZhi (藝文志 : Yì Wén Zhì, Traité de Littérature), section bibliographique du Livre des Han. Le recueil original de cette section de notices bibliographiques se répartit en 38 classes d'ouvrages de références (neuf classes de philosophes confucéens, dix classes d'auteurs d'autres courants philosophiques, cinq classes de poètes, quatre classes d'auteurs de stratégie militaire, six classes d'auteurs versés dans l'astrologie ou la divination et quatre classes d'auteurs versés dans les arts des arboristes et de l'alchimie). Le détail de ces notices remplit 12 994 rouleaux...

     Certes, beaucoup de cette production n'est plus accessible, mais l'impressionnant témoignage reste là ! Il fonde toute l'antiquité de la culture chinoise d'avant l'unification impériale. 

Période suivante : suivre le lien sur la Chine sous les Qin et des Han

Mythes etc.
Dynastie Xia
Archéologie Xia
Dynastie Shang
Néolithique en Chine
Naissance de l'Histoire
L'écriture
L'affrmation du roi
L'idéologie numérico-reigeuse
La fin des Shang
Intronisation des Zhou
D'une régence à l'autre
fin de Zhou
Les Hégemons
Les Royaume Combattants
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